PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC

 

"Les Roms ont quitté la Une des journaux mais vivent dans les mêmes conditions indignes. Pourquoi avoir fait entendre votre voix ?

 

Dans ma mission d’évêque, je vais à la rencontre de tous.

 

D’abord auprès des catholiques, mais aussi au nom de ma foi chrétienne, auprès de tout être humain.

 

Lorsque la police est venue détruire les caravanes, je me suis senti le devoir de dire ce dont j’avais été le témoin et de manifester ma proximité avec cette population Rom.

 

En tant que citoyen, j’interpelle nos gouvernants européens pour rappeler qu’ils sont des citoyens de l’Europe.

 

Nous devons être vigilants vis-à-vis de ces populations différentes que nous ne devons jamais considérer comme inférieures.

 

C’est un principe cher à la République, un principe qui est le nôtre depuis 2000 ans : l’égalité en dignité.

 

Nous avons le même devoir humanitaire.

 

La crise a frappé et la pauvreté ne cesse de croître. Quelle voix peut avoir l’Eglise ?

 

Dans mes récentes visites paroissiales à Fos, Martigues et Port-de-Bouc, j’ai mesuré le drame de tous les exclus du travail, en fin de droits, accueillis de plus en plus nombreux dans les antennes du Secours Catholique.

 

Une autre pauvreté est tout aussi dramatique, celle des familles monoparentales où il n’y a pas deux salaires.

 

J’ai donné comme orientation essentielle, prioritaire, l’amour préférentiel des plus pauvres.

 

Et qu’opposer à cette misère ?

 

Il faut un travail d’éducation des jeunes à un engagement social.

 

Tout doit commencer par la rencontre des plus pauvres, des exclus, qui éveille l’engagement.

 

Notre conviction est qu’il ne peut pas y avoir de paroles sans actes.

 

L’engagement dans des associations permet ce travail de terrain qui ne fait pas de bruit ; ce que j’appelle la voix par les actes.

 

Il faut un combat collectif de service humanitaire.

 

De nombreux continents s’enrichissent, connaissent une croissance importante.

 

Il y a donc moins de richesses à partager.

 

Les plus fragiles ne doivent pas en payer le prix.

 

Rejoindrez-vous l’appel « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel qui veut rassembler les jeunes autour des idéaux du Conseil national de la Résistance ?

 

Nous ne pouvons pas nous résigner à cette misère.

 

Je rejoins cet appel à l’indignation mais qu’il soit aussi un appel à l’engagement et à l’action des jeunes.

 

Il ne suffit pas de parler.

 

Vous appelez à la défense de l’environnement. Est-ce une façon pour l’Eglise de se mettre à la page ?

 

Voilà trente ans que je dis : la terre est un cadeau, pas un grand supermarché.

 

Nous, chrétiens, nous l’appelons Création.

 

Vous commencerez par le respect, c’est le commandement de toute la Bible, le respect de la Création, de l’être humain, de l’environnement.

 

Nous avons fait mal à la terre.

 

Nous avons épuisé les matières premières.

 

Les générations à venir trouveront des mines fermées, des puits de pétrole taris.

 

Dans 17 ans, tout l’or de la planète aura été extrait.

 

Au XXIe siècle, on se fera la guerre pour les matières premières qui seront hors de prix.

 

Appelleriez-vous à la décroissance ?  

 

 Non, je parle d’une autre croissance, d’une transformation de nos modes de vie.

 

Cette société a la consommation comme moteur.

 

Est-ce que cela amène un véritable progrès ? Non.

 

Nous sommes dans une forme d’aliénation, sur une trajectoire qui fait mal à notre humanité.

 

Quel message adressez-vous pour Noël ?

 

L’humanité tout entière est la crèche de Dieu.

 

Les chrétiens doivent être habités par le courage de l’espérance dans cette humanité aujourd’hui à la peine, qui a du mal à relever les défis, qui a peur de son avenir.

 

Nous sommes dans un siècle très important qui va connaître de grands bouleversements.

 

Il existe beaucoup de désespérance qu’on voit notamment à travers le suicide des jeunes.

 

C’est parce que notre humanité ne tourne pas rond.

 

Nos modes de vie appellent le désespoir."

 

 

(La Provence du samedi 25 décembre 2010)