MEDITATION
-
« La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : déracine-toi et va te planter dans la mer et il vous obéirait. »
Voilà une phrase de l’Evangile, devant laquelle je suis passé de nombreuses années sans m’y arrêter.
D’autant plus que sa cousine dans l’Evangile : « si vous avez la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : ‘déplace-toi d’ici à là’ et elle se déplacera. » me suffisait.
Voilà une foi à se retrousser les manches et que rien n’arrête.
Et c’est passé dans le langage courant : « Une foi à déplacer les montagnes ».
Mais une foi à déraciner les arbres et les planter dans la mer pas encore.
L’Evangile n’est pas toujours consommable comme un croissant acheté à la boulangerie. Parfois, il faut prendre le temps de le cuisiner !
J’ai décidé de m’arrêter devant cette phrase, d’y passer du temps.
J’ai regardé des arbres, j’ai écouté ce qu’ils me disent ; j’ai fait remonter de ma mémoire mes expériences maritimes, ai recherché le goût qu’elles m’avaient laissées.
J’ai écouté celui qui parle dans l’Evangile, en mettant en lien avec ce qu’il dit dans toute sa Parole.
Des arbres, notre région en a de beaux : les platanes du Tholonet, les hêtres de la Sainte Baume, le grand chêne de Lamanon, les grands pins parasols.
Ils me disent une stabilité, un temps long de croissance, une force tranquille indéracinable, une majesté devant laquelle je suis petit, une présence qui me saisit.
Les auteurs bibliques l’ont vu avant moi :
« Heureux l’homme qui se plait dans la Loi du Seigneur et murmure sa Loi jour et nuit. Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau et qui donne du fruit en son temps et jamais son feuillage ne meurt. » (psaume 1)
« Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, il fructifie encore » (psaume 91)
La mer, est très présente dans notre région, et à Martigues.
Je vois que c’est un lieu de loisir : nage et jeux en bord de mer, voile sur l’étang, pêche le long du canal.
Je sais aussi que les pêcheurs professionnels en vivent.
Pour moi qui ne suis pas marin, c’est un lieu étranger.
Lorsque je m’éloigne du rivage, l’inquiétude me prend : et si je n’ai pas la force de revenir !
Je sais aussi qu’avec un fort mistral, l’étang de Berre est déchaîné et la navigation dangereuse.
Pour le peuple hébreu, la mer est ce lieu étranger, dangereux, hostile, au point d’en être devenu symbolique de la mort.
Un jour survient une violente tempête sur le lac de Tibériade.
Les vagues se jetaient sur la barque des disciples, si bien que déjà elle se remplissait d'eau.
Jésus dormait sur le coussin à l'arrière.
Ils le réveillent et lui crient : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? »
J’ai vu le film ‘Des hommes et des Dieux’ sur les dernières années des moines de Tibhirine en Algérie.
Alors que les moines se posent la question de rester ou de quitter, l’un d’eux dit aux gens du village : « nous sommes comme des oiseaux sur la branche ».
Une femme répond : « mais nous sommes les oiseaux et vous êtes la branche ».
Oui, nous sommes fragiles, et en même temps, notre foi, si petite qu’elle soit, nous rend solide au point d’être planté dans les épreuves ou en milieu étranger ou hostile.
Pensez aussi à Mère Tersa ou Sr Emmanuelle.
Jésus, qui marche sur les eaux ne coule pas, à l’inverse de Pierre qui prend peur et crie « Seigneur, sauve-moi ».
Jésus, subissant l’hostilité des hommes, s’est planté sur l’arbre de la croix pour tous. Paul dit à Timothée : « ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force d’amour et de raison. »
Il nous le dit : « réveille en toi le don de Dieu »
Et nous disons : « aujourd’hui, Seigneur Jésus, augmente en nous la foi ! ».
Benoît Delabre
