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ROGER CARDINAL ETCHEGARAY

  • PAROISSE DE MARTIGUES
ROGER CARDINAL ETCHEGARAY

L’hommage de Dominique Quinio,

ancienne directrice de « La Croix »,

au cardinal Etchegaray décédé le mercredi 4 septembre

 

C’était il y a sept ans. Pour « La Croix », j’étais allée à la rencontre du cardinal Etchegaray pour un entretien à l’occasion de la sortie d’un « petit » livre « l’Homme, à quel prix » (il insistait sur sa brièveté, conscient de vivre dans un monde pressé, où plus personne ne prenait le temps d’aller au fond des choses).

 

Il passait l’été à Espelette, au cœur du Pays basque, dans la maison de sa sœur. À la question sur l’adresse précise où le retrouver, il avait éludé : « vous demanderez à l’aubergiste, il vous dira où me trouver ». Tout le monde dans ce ravissant village le connaît en effet.

 

Et le cardinal tout de go d’inviter à déjeuner la journaliste curieuse et l’amie qui l’accompagnait ce jour-là, sur la terrasse ombragée de la belle maison. À la table, les hôtes étaient nombreux, dont une famille gréco-catholique venue de l’Est qu’il accueillait pour quelques semaines.

 

« Il vous faut toujours regarder aussi loin qu’il y a un homme »

 

« Dieu et l’homme , avait-il dit alors, c’est tout un (...) Et pourtant, l’homme peut paraître à nos contemporains plus éloigné que Dieu lui-même ». Revenait alors à l’esprit une phrase que le cardinal avait lancée aux journalistes, à l’occasion de leur Jubilé en l’an 2000  : « il vous faut toujours regarder aussi loin qu’il y a un homme ». Une belle feuille route pour chacun de ceux qui l’écoutaient alors.

 

Ces mots faisaient écho aux premières phrases de la Constitution Gaudium et spes de Vatican II  : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur ».

Partager les souffrances mais aussi l’espérance

 

Pour le cardinal Etchegaray, envoyé à maintes reprises dans des coins de la planète en proie aux pires difficultés, ce fut la réalité d’une mission dont on comprenait, même s’il se gardait bien d’en dévoiler les secrets, que cela lui avait permis de partager bien des souffrances mais aussi l’espérance, l’infatigable espérance, à laquelle il se sentait « enraciné comme un chêne basque ».

 

Basque, il l’était dans son allure, son visage acéré, son accent que des années de diplomatie vaticane n’avaient pas réussi à raboter, et dans ce double mouvement vécu par maints de ses compatriotes  : l’attachement farouche à ses racines et la capacité d’émigrer, d’aller voir ailleurs, de parcourir le vaste monde.

 

Donner à chaque visiteur le sentiment d’être important

 

Quelques années plus tard, à l’occasion de rencontres organisées à Espelette sous son patronage, malgré la fatigue et l’âge, l’œil malicieux et le sourire chaleureux restaient de mise  : dans son grand âge - sous le regard de Saint Syméon -, il goûtait les visites et les amitiés et donnait à chaque visiteur, lui qui avait rencontré tant de Grands de ce monde, le sentiment d’être important.

 

Dominique Quinio

ROGER CARDINAL ETCHEGARAY
ROGER CARDINAL ETCHEGARAY

Merci, cardinal Etchegaray !

 
Cher Père Etchegaray, Ce matin, avec le peuple de Marseille, je veux vous dire merci ! Depuis l’annonce hier soir de votre décès, nombreux sont ceux auxquels reviennent en mémoire des souvenirs de moments partagés avec vous et qui nous ont fait grandir.
 

Pour ma part, comment oublierais-je nos premières rencontres à l’époque où, jeune séminariste, je découvrais à travers vous le visage et la mission d’un évêque ? Et voici que la Providence a voulu vous inviter à entrer dans la Vie quelques jours avant que je ne sois appelé par le pape François à vous succéder comme archevêque de Marseille ! Comment oublier que, malgré la fatigue, vous étiez venu me consacrer évêque il y a un peu plus de cinq ans, le 26 janvier 2014 ? Ce fut votre dernier passage à Marseille. Je me souviens que, vous conduisant en voiture jusque chez les Petites Sœurs des Pauvres pour saluer le P. Levet, qui avait longtemps été votre secrétaire particulier, vous m’énonciez, à chaque carrefour, les noms des personnes qui autrefois avaient habité telle ou telle rue et dont vous aviez gardé la mémoire !

 

Pasteur infatigable, dont les rides n’ont jamais réussi à faire taire les rêves, vous étiez avant tout un ami du Christ, enraciné comme Lui dans une histoire et une culture. Votre Espelette vous aidait à comprendre son Nazareth et vos piments n’avaient rien à envier à ses figuiers ! Ensuite, c’est la glaise de Marseille qui a collé à vos semelles de cardinal, et nous, Marseillais, étions bien fiers de savoir que lorsque vous voyagiez ailleurs, c’est un peu de Marseille que vous emportiez avec vous ! Il faut dire que, quittant Marseille en avançant « comme un âne », vous étiez allé jusqu’au pays des pandas ! Certes, vous partiez avec un avantage, puisqu’Armand David, le naturaliste et missionnaire du XIXe siècle qui découvrit le Grand Panda sur les contreforts du Tibet, était lui aussi natif d’Espelette ! Mais avec vous, nous avons appris à ne jamais avoir peur de la hauteur de la barre à franchir, parce que c’est le Christ qui la fixe et que si nous Lui faisons confiance, Il la passera toujours avec nous, car sa grâce donne toute sa puissance dans notre faiblesse !

 

Je me souviens aussi que, lorsque vous aviez reçu à Marseille Mère Teresa, venue installer en notre ville une communauté (la première en France), elle vous avait demandé : « Prenez soin de leur croissance dans la sainteté et protégez leur pauvreté. » Et vous, en fidèle disciple du Christ, au milieu des fastes et des réceptions innombrables auxquelles vous avez été invité, vous n’avez pas effacé de votre cœur cette solidarité prioritaire avec les pauvres. Voilà sans doute ce qui vous a rendu libre face aux puissants, de Saddam Hussein à Fidel Castro, n’hésitant pas à leur rappeler que : « Savoir sans agir est une lâcheté ; agir sans savoir est une imprudence » ! Président pendant de nombreuses années du Conseil pontifical Cor unum et du Conseil Pontifical Justice et Paix, vous avez côtoyé de près les multiples facettes de la détresse humaine. Je me souviens qu’un jour, rentrant d’Afrique, vous m’aviez dit : « Il y a des choses que ne savent voir que des yeux qui ont pleuré. » Comme au petit matin de Pâques, les convictions les plus profondes sont parfois les plus silencieuses.

 

Et puis comment ne pas évoquer, pour finir, votre amour pour l’Église ? Vous avez passé toute votre vie à l’aimer, filialement mais sans complaisance, sans nier ses égarements ni ses tiédeurs, mais en apprenant avec elle à sentir « battre le cœur du monde ». Un évêque, disiez-vous souvent (et je tâcherai de toujours m’en souvenir), c’est comme un jardinier, un botaniste, qui veille avec passion sur les petites fleurs d’Évangile, surtout sur celles qui ont pris racine dans les coins et les recoins les plus troubles ou les plus arides de nos cités. L’Église, malgré ses rides et ses cicatrices, malgré les chants du coq qui résonnent à ses oreilles à chacun de ses reniements, sait qu’elle n’a d’autre richesse que la grâce de Dieu, d’autre fidélité que celle, inaltérable, que le Christ lui porte. C’est sa mission qui la pousse au dialogue avec toute l’humanité, comme vous l’aviez si bien mis en œuvre à Assise, dans une complicité sans faille avec le pape Jean-Paul II, votre ami et votre frère.

 

Cher père Etchegaray, le peuple de Marseille vous salue et vous dit merci. À la fin de l’homélie de votre première messe chrismale en notre cathédrale, vous aviez évoqué ce petit billet trouvé sur le bureau d’un vicaire de Bayonne, qui pensait, en l’écrivant, aux jeunes de sa paroisse : « Si tu ralentis, ils s’arrêtent ; si tu faiblis, ils flanchent ; si tu t’assois, ils se couchent ; si tu doutes, ils désespèrent ; si tu critiques, ils démolissent ; mais si tu marches devant, ils te dépassent ; si tu donnes ta main, ils donneront leur peau ; et si tu pries, alors ils seront des saints » !


« Si tu pries, ils seront des saints ! ». Du haut du ciel, avec la Vierge de la Garde, gardez-nous en votre prière, père Etchegaray, et acceptez que les Marseillais vous disent encore tout simplement mais du fond du cœur : merci !

 

+ Jean-Marc Aveline
Archevêque nommé de Marseille

ROGER CARDINAL ETCHEGARAY

"Un homme des grands horizons"

 
 
Le Père Roger Etchegaray, comme on l’a appelé le plus souvent, laisse le souvenir d’un homme simple et chaleureux. Le béret basque sur la tête, un sourire bienveillant, encourageant, un accent bien trempé, attiraient une immédiate sympathie. Il était un des meilleurs ambassadeurs du piment d’Espelette ! Jusqu’au bout, il a aimé être visité. Il s’intéressait à la vie de chacun, des familles, de l’Église et du monde.

 

Un très grand serviteur de l’Église de France

 

Après ses premières années de ministère dans le diocèse de Bayonne, le Père Etchegaray devient secrétaire général de l’épiscopat, poste où il a servi avant de devenir lui-même, en 1975, président de la Conférence des évêques de France. Il excella dans ces responsabilités. Son amour de l’Église et son sens de la diplomatie lui ont permis d’accompagner les temps difficiles de la mise en œuvre du concile Vatican II, dont il avait été un des experts. Son esprit d’ouverture, son amour des hommes, son expérience pastorale, lui donnent de trouver le juste ton pour entraîner le Conférence épiscopale à avancer sans peur et avec enthousiasme sur le chemin ouvert par le bon pape Jean XXIII, qui voulait que l’Église se fasse maîtresse à la manière d’une mère. Je ne puis passer sous silence son long ministère d’archevêque de Marseille (1971-1984) où il a laissé un souvenir encore vivant aujourd’hui. Ses éditoriaux, son sens de la formule, sa facilité de contact, y ont fait merveille. Lui-même reconnaîtra combien ce passage à Marseille aura marqué sa vie et son ministère.

 

L’infatigable « ambassadeur » de l’Église universelle


Créé cardinal, il deviendra président des Conseils pontificaux Justice et paix et Cor unum. Là, il prendra la mesure de l’état du monde. Il saura puiser dans le trésor de l’enseignement social de l’Église des lignes d’action pour que l’Église s’engage dans les défis de la société au service de la défense des droits de l’homme, de la personne humaine, des plus pauvres, de la recherche de la paix et du soutien de la construction d’un monde où justice et paix marcheraient d’un même pas.


Le pape Jean-Paul II lui a confié des missions difficiles auprès des grands de ce monde. Il les a rencontrés avec courage, clarté, simplicité et ouverture. Il rappelait parfois ces moments uniques, comme sa visite au président Fidel Castro ou ses interventions au nom du Saint-Siège pour encourager à renoncer à la guerre ici ou là. Cela a profondément enrichi son expérience sans jamais lui ôter son humanité faite d’humilité et de simplicité. 


Il fut passionné par le sort de la Chine où il avait été envoyé à plusieurs reprises. Ce « continent » faisait l’objet de ses recherches permanentes, de ses observations et de son espoir pour ce pays et pour l’Église.


Il fut un homme des grands horizons. Il ne s’est jamais laissé enfermer dans les combats sans issus d’une Église centrée sur elle-même.


Cela lui a donné la capacité de mettre sur pied la magnifique rencontre d’Assise, signe d’unité et de paix entre les croyants.

 

L’homme de foi et de prière


Il aimait parler de Dieu, du Christ, de son mystère, de la vie du monde à venir. Ses missions au loin l’avaient fait respirer avec le poumon oriental de l’Église. L’oratoire de son appartement à Rome était tapissé d’icônes, souvent offertes par ceux qu’il visitait. Il y conduisait ses hôtes et proposait une prière pour l’Église, la paix, le Saint-Père. Sa prière nourrissait sa réflexion, son intériorité, son être profond. Son amour de la Vierge Marie, vénérée à Lourdes, à Fatima, à Guadalupe et ailleurs encore, lui était naturel.


Oui, vraiment, le Père Roger Etchegaray, cardinal de l’Église, aura laissé de son passage sur cette terre une marque de profonde humanité travaillée par sa foi et sa vie donnée pour l’Église et les hommes. Il a aimé le Christ de toutes ses forces. Il a aimé les hommes, des plus petits aux plus grands. Il a aimé l’Église de toute son énergie.


Que sa manière d’être homme, prêtre, évêque, cardinal, inspire tous ceux qui l’ont connu de près ou de loin.

 

Mgr Georges Pontier
Administrateur apostolique du diocèse de Marseille

ROGER CARDINAL ETCHEGARAY

Décès du cardinal Etchegaray : « Marseille pleure un des siens »

 

Mgr Etchegaray avait beau être né à Espelette, dans les Pyrénées-Atlantiques, les Marseillais l’avaient accepté comme un des leurs. 

 

Archevêque de la ville de 1971 à 1984, il y a laissé un souvenir vibrant.
 

 

« Il a laissé un souvenir encore vivant aujourd’hui », note à juste titre Mgr Georges Pontier, ancien archevêque de Marseille et administrateur apostolique encore pour quelques jours. Depuis l’annonce du décès de Mgr Roger Etchegaray, mercredi 4 septembre sur sa terre basque natale, la ville ne cesse de louer cette figure qui a profondément marqué la vie spirituelle locale. « Marseille pleure un des siens », résume le P. Charles Sighieri, curé de l’ensemble paroissial des Berges de l’Huveaune.

 

Son béret basque et son accent truculent ne passent pas inaperçus lorsque le natif d’Espelette est nommé archevêque de Marseille le 24 décembre 1970. Installé en janvier 1971, il exerce son ministère là jusqu’en 1984, quand le pape Jean-Paul II l’appelle à Rome.

 

De prime abord, son humilité et sa grande facilité de contact collent à l’esprit marseillais. « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises alors que j’étais enseignant, se remémore Jean Chamoux, ancien proviseur du collège catholique Saint-Mauront. J’avais d’un cardinal, l’image de quelqu’un d’assez distant. Lui, c’était tout le contraire. Il mettait les gens à l’aise et l’on pouvait facilement parler avec lui. »

 

Supporter de l’OM

 

Cette même simplicité lui fait parcourir tous les quartiers de la ville – plus aisés au sud, moins favorisés au nord – au volant de sa 2 CV. « Voilà un homme qui n’a alors aucune expérience pastorale, mais qui fait connaissance avec ses ouailles et les séduit en un rien de temps », s’émerveille aujourd’hui encore le journaliste Jacques Bonnadier, ancien correspondant de La Croix, devenu son ami.

 

« Parfois, il téléphonait à des paroissiens et allait manger avec eux le soir ! », sourit le père Sighieri. Nourri de ce dialogue franc et par les nombreux rendez-vous qu’il instaure dans l’agenda épiscopal, son passage revitalise la vie diocésaine marseillaise.

 

« Il conquiert aussi les édiles, observe Jacques Bonnadier. Édmonde Charles-Roux disait que Gaston Defferre, le parpaillot, ne prenait pas de décision importante sans en référer à Roger. »

 

L’actuel maire, Jean-Claude Gaudin (LR) qui appréciait « son autorité fraternelle et son fort charisme » dresse le portrait « d’un archevêque très apprécié par le peuple de Marseille, présent dans tous les événements de la cité et grand supporter de l’OM ! ».

 

« Arabe, mon frère, pardon… »

 

Mgr Etchegaray sait, surtout, saisir le besoin de dialogue interreligieux que réclame la ville. Il pose les bases d’un rapprochement intercommunautaire dont Marseille peut encore s’enorgueillir. « Il délivrait des messages de tolérance et savait faire preuve de culot, reprend Jean-Claude Gaudin qui se souvient d’une homélie de la Fête du Sacré-Cœur que l’archevêque commence par ces mots : « Arabe, mon frère, pardon… ». « Ça en a surpris quelques-uns ! », s’amuse le maire, à qui l’archevêque offre un chapelet à son départ.

 

En 1982, le cardinal œuvre à la création de Radio Dialogue, première radio œcuménique de France, qui scelle localement l’amitié des quatre églises chrétiennes. Dans un fort joli texte adressé au disparu au nom du peuple marseillais, Mgr Jean-Marc Aveline, le tout nouvel archevêque de la cité phocéenne, ne célèbre pas par hasard ces « moments partagés avec vous et qui nous ont fait grandir. »

 

« La chair de sa chair »

 

Si la ville en fait un de ses fils, Roger Etchegaray l’aime en retour, « comme un fou », assure Jacques Bonnadier. Le cardinal confiait, il y a quelques années, qu’il sentait encore l’Église de Marseille comme « la chair de sa chair ». « Il avait épousé la ville. Cela a été dur pour lui d’en partir. Et je crois qu’il ne l’a jamais vraiment quittée », confie le père Sighieri.

 

De cette vie marseillaise, le prélat a tiré un livre en 1984 : « J’avance, comme un âne ». Un recueil des éditoriaux bien troussés et savoureux qu’il signe dans les bulletins diocésains locaux. Un récit plein d’humour et de malice de ses années phocéennes, que le cardinal offre à sa ville d’adoption, comme un cadeau indélébile.

ROGER CARDINAL ETCHEGARAY
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