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DONNER SANS SE SOUVENIR, RECEVOIR SANS OUBLIER

  • PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC
Homélie de Patrick Alouin, diacre, pour le trente deuxième dimanche du Temps Ordinaire

Homélie de Patrick Alouin, diacre, pour le trente deuxième dimanche du Temps Ordinaire


 

 

Imaginez que vous remontez le temps d’environ 2000 ans, et que vous êtes spectateurs de cette histoire relatée par saint Marc.

L’histoire se déroule en 2 temps : le premier quand Jésus enseigne de se méfier des scribes, puis le second quand la veuve met 2 piécettes dans le tronc, pendant que Jésus avec ses disciples regarde le défilé des donateurs au Temple.

Ces 2 temps, ou peut-être ces 2 tableaux, sont évidemment liés l’un à l’autre mais ils sont surtout liés l’un et l’autre au message de Bonne Parole de Jésus-Christ d’après saint Marc, c’est à dire de l’Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc.

 

Le premier tableau.

Jésus enseigne à ses contemporains de se méfier des scribes, car, dit-il, les scribes cherchent plus à se mettre en avant devant le public qu’à être utiles à leurs prochains.

Pire, ils sont néfastes à leurs prochains, puisqu’ils « dévorent les biens des veuves ».

Par leur comportement et leurs actions, ils abusent les nécessiteux, ils les relèguent encore plus en arrière aux dernières places.

Les scribes font semblant de prier profondément. Les scribes veulent faire illusion en se couvrant, en se parant pour se protéger. Leur attitude est du pur égoïsme, de l’ego-centrisme.

 

Le second tableau.

La veuve, qui malgré son état de pauvreté met 2 piécettes dans le tronc.

Cette modique obole tranche nettement avec les grosses sommes versées par les riches.

Et là Jésus nous met devant la réalité des faits : cette veuve a donné plus que les riches !

Est-ce à dire que Jésus ne sait pas compter ? que Jésus ne sait pas évaluer une quantité ? 2 piécettes seraient plus qu’une grosse somme d’argent ?

Non, bien sûr, Jésus sait très bien compter comme chacun de nous, mais il n’évalue pas de la même façon, il n’accueille pas de la même façon.

La veuve en donnant ses 2 piécettes, elle se démunit (au sens premier, étymologique, du terme).

Elle donne d’elle-même !

Je disais que les scribes se protègent ; on pourrait dire que la veuve se met à nu !

Elle ose donner d’elle-même pour les autres parce qu’elle s’oublie dans ce don aux autres. C’est tout le contraire des scribes.

Les 2 tableaux se répondent : l’altruisme de l’une répond à l’égoïsme des autres, l’humilité de l’une répond à l’orgueil des autres, la modestie de l’une répond à la prétention des autres.

Cette veuve de l’évangile, elle est comme celle de Sarepta de la première lecture qui donne tout ce qui lui reste. Toutes les 2 elles s’exposent car elles osent ! Toutes les 2 donnent car elles font finalement confiance !

Leurs actes traduisent leur don et leur amour de leur prochain, leur charité, leur miséricorde.

Dimanche dernier dans l’évangile, Jésus nous le rappelait : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! »

« Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même » sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face nous le livre, et nous y invite, dans son très beau poème.

Les 2 veuves, celles de l’évangile et celle de la première lecture, elles ont vraiment donné car elle se sont données.

 

Alors maintenant quittons ces 2 tableaux, revenons complètement en 2021.

Que pourrions-nous faire ? comment mettre en pratique cet enseignement de Jésus-Christ ? mettre en pratique Sa Parole ?

Il est évident que cette Parole n’est pas à prendre au premier degré, ou même au degré 0 qui serait : ne donnez juste que 2 piécettes au Denier du Culte ! Au même degré, à l’autre extrémité des valeurs, bien entendu ne nous mettons pas nous-mêmes en danger. Le Seigneur ne veut pas nous rendre malheureux, ou plus malheureux pour ceux qui ont peu.

Donnons bien sûr dans la mesure de nos possibilités !

Mettre en pratique cette Parole, cet enseignement, c’est avec certitude répondre à la question du don et du cadeau à autrui, de ce que me coûte un cadeau lorsque je l’offre à quelqu’un d’autre.

Mais pas en valeur monétaire, pas combien d’euros. Non plutôt combien d’amour propre vais-je céder et combien grande sera la joie de celui qui recevra le cadeau. Car un cadeau ou un don met toujours 2 personnes en relation.

Combien de « moi-même » ai-je donné ou vais-je donner ? combien de temps ai-je donné ? car un don n’est pas forcément que matériel, c’est aussi évident.

La mise en pratique de cette Parole aujourd’hui ne devrait pas être réduite aux cadeaux et aux dons, car cela risquerait de n’être appliqué que quelques jours dans l’année. La mise en pratique, elle peut être réalisée à tout instant par des questions et des réponses par des actes de tous les jours.

Par exemple : est-ce que je ne me préoccupe pas trop de ce que pensent les autres de moi ? Ne suis-je pas trop dans l’apparence, comme les scribes ? Ai-je honte de moi ?

Mais également « ai-je donné aujourd’hui quelque chose en comptant, en comptabilisant ? » ou bien vraiment « ai-je donné avec mon cœur » ? Ai-je donné en me sacrifiant un peu ? beaucoup ? pas du tout ?

Ai-je donné en attendant quelque chose en retour ?

Un proverbe hébreu dit « donner sans se souvenir, recevoir sans oublier »

Voilà une bonne leçon d’amour une belle règle de conversion d’amour vers son prochain.

Dans la mise en pratique de l’Evangile d’aujourd’hui où il est question de don, on peut également par conséquent se mettre à la place de celui qui reçoit

Et ainsi, posons-nous la question : comment voyons-nous, comment accueillons-nous les gestes ou les dons matériels, les cadeaux, reçus d’autrui ?

Ne jugeons-nous pas trop rapidement ? voyons-nous tout l’amour mis par le « donateur » ?

Il est des situations où la réponse est très facile.

Par exemple lorsqu’un petit enfant nous offre son plus beau dessin. On sait que même si le résultat final ne rivalise pas avec un tableau de maître, l’enfant y aura mis tout son cœur.

La joie d’offrir se lit dans ses yeux, et notre joie de recevoir remplit notre cœur.

Parce que nous aurons regardé avec notre cœur.

Madeleine Delbrel disait : « Dieu préfère sûrement quelqu’un qui offre un anneau de cuivre avec beaucoup d’amour, que celui qui offre un anneau d’or sans trop aimer ! »

 

La joie nous est donnée de surcroît, « par surcroît » comme le disait saint François.

C’est cela vivre les Béatitudes, c’est exactement cela : « être humble, pauvre en esprit, mais riche en cœur pur » Le Royaume des Cieux est ainsi ouvert et offert.

Le royaume des Cieux qui nous offre la joie de la vie éternelle.

Comme les jarres remplies qui ne se vident pas, pour la veuve de Sarepta et son fils. 

 

Alors je voudrais vous proposer aujourd’hui encore plus avec l’Evangile proclamé.

L’hostie consacrée que nous recevons à la communion, je trouve qu’elle a la forme d’une piécette, qu’elle ressemble à une piécette. Comme celle donnée par la pauvre veuve.

Prenons bien le temps avant, pendant et après la communion eucharistique, de voir ce petit morceau de pain azyme encore plus avec notre cœur, de l’accueillir vraiment avec notre cœur, non pas comme un dû, mais comme un don total de Jésus Christ qui s’est livré entièrement, qui a fait don de sa vie, « qui s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude » comme nous l’avons entendu dans la seconde lecture.

Reconnaissons vraiment que si nous, nous donnons parfois un peu, beaucoup ou pas du tout, Lui s’est donné « passionnément », c’est à dire jusqu’à souffrir la Passion.

 

Amen

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