TOUT EST ACCOMPLI
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Tout mène à la Croix et tout en découle. Tout ce que Jésus a dit et fait durant sa vie s’y accomplit. Reprenons la marche que nous avons vécue durant le Carême.
Cendres : Jésus jeûne dans son chemin de Croix, sans le montrer ; il fait jeûne de consolations, d’appuis, d’amitiés, de soutien (ou si peu), jeûne de la présence de Dieu aussi, il le subit puis l’accepte ; prière : elle continue, malgré l’angoisse à Gethsémani, malgré la souffrance (Eloï, Eloï, lama sabbaqthani ; Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?), elle devient même prière de pardon (pardonne leur ; aujourd’hui tu seras avec moi...) ; partager sa souffrance n’est pas pour lui, par gloriole personnelle, elle est pour nous : « voici le corps livré pour vous » ; « voici le sang versé pour vous » ; jeûne, prière, partage, sur la Croix, « tout est accompli »
Au désert : les tentations, la solitude, l’angoisse ; ces tentations de s’en sortir par lui-même, pas avec un Autre ; puis, lorsque les paroles ne suffisent plus, alors la Parole faite chair s’offre, pour nous, pour que toute langue puisse proclamer de Jésus Christ qu’il est Seigneur, pour que dans nos déserts nous puissions nous tourner vers sa Croix et reconnaître qu’il est Messie et que, par lui, tout notre vie « s’accomplit ».
Transfiguration : Le Père disait : « mon Fils bien-aimé, écoutez-le », aujourd’hui, au lieu de cela, volonté de le faire taire, de cacher sa face, sa personne, son identité messianique... mais ils ne savent pas ce qu’ils font ; par leur geste, sa croix est devenue notre gloire, l’arbre mort nous donne la vie ; le signe de notre salut est élevé de terre et il attire à lui tous les hommes ; sur la montagne, Pierre voulait rester à contempler la gloire de Dieu, mais sans vivre pleinement le mystère de Pâques ; comme nous pouvons être tentés de vivre le salut, la résurrection, la vie éternelle sans passer par la mort ; la passion et la croix du Christ nous rappellent cette descente que Dieu vit en nous pour nous relever et pour que « tout soit accompli »
Samaritaine : avec elle, il est question de l’eau, de l’eau vive, et cette eau coule maintenant en abondance de son Cœur transpercé, et nous rassasie ; il disait que sa nourriture est de faire la volonté du Père : il dit maintenant Père, en tes mains je remets mon esprit ; il disait « l’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité »... et cela s’accomplit : qui le voit, voit le Père ; en voyant le Fils en croix, nous connaissons l’amour de Dieu pour nous, il n’a pas épargné son propre fils pour que nous soyons à lui ; « tout est accompli ».
Aveugle né : le miracle est clair : nos yeux s’ouvrent à sa lumière ; le bon larron ouvre les yeux au dernier moment et reconnaît que lui est juste, « qu’il n’a pas fait de mal » ; Jésus met de la boue sur les yeux de l’aveugle, ses persécuteurs lui crachent dessus ; il disait qu’il était le messie, il est maintenant accusé à tort et n’est plus écouté ; il disait qu’il était venu pour que les aveugles voient et que ce qui voient deviennent aveugles et c’est bien ce qui se passe pour nous, face la Croix : les sages ne comprennent pas, les pauvres que nous sommes reconnaissent qu’il est Fils de Dieu ; « tout est accompli »
Réveil de Lazare : c’est évidemment une préfiguration de la résurrection ; Lazare lié par les bandelettes, Jésus est lié par les liens des soldats et lié par la promesse faite à son père de sauver les hommes ; Jésus crie à Lazare « viens dehors », dans la nuit de Pâques, la voix du Père criera « Jésus, reviens à la vie » ; Jésus dit à la foule auprès de Lazare « déliez-le, laissez-le aller », le matin de Pâques, l’ange annoncera aux femmes « vous êtes déliées des liens de la mort ; allez en Galilée, là, vous le verrez »
Et maintenant que le Christ est mort et que tout est accompli... que devons-nous faire ? Comment vivre de ce don immense que Dieu nous fait ? Nous avons été portés par lui, transportés, et nous sommes missionnés. Comme dit le concile, l’Eglise est un « peuple messianique, [qui est], pour tout le genre humain, le germe le plus fort de l'unité, de l'espérance et du salut. (...) Établi par le Christ, pour réaliser une communion de vie, d'amour et de vérité, ce peuple lui sert d'instrument pour la Rédemption de tous les hommes, et il est envoyé au monde entier comme lumière du monde et sel de la terre » (Lumen Gentium 9).
Nous sommes lumière du monde et sel de la terre car celui qui est lumière de Dieu s’est fait chair, il a demeuré parmi nous, il s’est laissé crucifié pour nous et nous contemplons sa gloire. Nous sommes sel de la terre car le sang et l’eau du Christ nous donnent le goût de la vie éternelle. Ce sel divin, nous pouvons le diffuser autour de nous, comme la petite flamme de l’espérance ; c’est si peu, et c’est déjà tout !
Dieu peut réaliser, par la puissance qu’il met à l’œuvre en nous, infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même concevoir ! Osons demander l’impossible à Dieu, car rien n’est impossible pour lui.
Pour l’heure, ce soir, contemplons en nous le Christ livré pour nous, fermons les yeux, et laissons-lui la parole une dernière fois, car il a tout accompli.
« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. »
Thomas Poussier