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LES YEUX DU COEUR

  • PAROISSE DE MARTIGUES
LES YEUX DU COEUR

N’avez-vous jamais admiré la rapidité avec laquelle un moustique échappe au danger ? Lorsque la main rageuse qui essaie de l’écraser sur le bras qu’il est en train de piquer goulument s’approche, il voit le péril et s’enfuit !

 

L’être humain aussi a des réactions physiques spontanées lorsqu’il ressent un danger ou un plaisir : des sourires, des cris, des pleurs, des fuites, des gestes… des frissons.

 

Il en est de même dans notre vie intérieure ! Nous avons des « yeux » intérieurs qui « voient » le monde. Ce regard du cœur produit aussi des réactions internes : sentiments, émotions, pensées. Lorsque nous « regardons » quelqu’un avec les yeux du cœur, nous portons un jugement intérieur instantané. Cela se manifeste d’une façon ou d’une autre par de petits gestes plus ou moins conscients, parfois imperceptibles, mais bien réels. C’est pourquoi, sans parole et sans geste explicite, on perçoit parfois, avec plus ou moins de sensibilité, que quelqu’un nous aime, est sympathique, nous ment ou se méfie de nous.

 

Il ne faut pas toujours se fier à ce regard essentiellement subjectif, mais il faut reconnaître qu’il influence énormément nos réactions, nos comportements les uns envers les autres. Combien de personnes se sentent mal-aimées de cette façon ? Combien d’entre nous, sans en être conscients, vont agir envers quelqu’un selon ce regard du cœur ?

 

Si je vous parle aujourd’hui de ce « regard », c’est qu’il est l’enjeu d’un des plus grands combats spirituels de notre siècle. Les forces du mal n’ont de cesse (par les médias, la culture, même l’éducation) de terroriser et d’assombrir notre regard intérieur. Celui qui n’y prend garde finit par regarder toute personne avec méfiance, les plus pauvres et les plus doux avec mépris. Il se prend à admirer les riches et les puissants, à soupçonner l’étranger ou celui qui n’est pas de la même religion, à garder rancune à celui qui l’a un jour offensé… Les fameux « gadé dzafè » ou les « voyants » essayent souvent de contrôler les yeux du cœur des pauvres malheureux qui croient trouver chez eux une libération. En cherchant à « regarder les affaires » des gens, ils prétendent souvent que quelqu’un (de proche) leur a « fait du mal » en ayant sur eux le « mauvais œil ». Les chaînes de la malveillance s’abattent alors sur tant d’âmes et tant de cœurs dont le regard s’assombrit, dont la vie s’enfonce…

 

Au contraire, tout le message de l’Evangile nous invite, par la puissance de l’Esprit Saint, à changer notre regard sur le monde, et à épouser le regard même de Dieu. La première caractéristique de ce regard libéré est la BIENVEILLANCE. C’est-à-dire, le fait de regarder quelqu’un ou une situation avec la volonté de « voir le bien » à priori, de mettre tout son cœur à découvrir toute la bonté que porte chaque être et à s’en réjouir. Cette bienveillance n’est pas naïve, elle sait l’existence du mal, mais elle sait aussi le dépasser en regardant le bien qui subsiste en chacun. Elle transforme tout « ennemi » en ami, tout « gêneur » en frère, tout « mal élevé » en fils de Dieu à aimer. Porter un regard de bienveillance est une véritable conversion, une libération des esprits du mal.

 

Où en serait-on si des regards de bienveillance remplaçaient toutes les mauvaises paroles, et les regards sombres qui pourrissent notre pays, nos cités, nos quartiers, nos voisinages, nos maisons, nos couples depuis si longtemps ?

 

Dans un premier temps, demandons à Dieu la grâce de chasser la malveillance de nos cœurs ! C’est une volonté de ne pas écouter ceux qui maudissent, un choix d’imiter Jésus Christ qui « veut que tous les hommes soient sauvés », une décision de l’âme qui sait avec quelle bienveillance elle est regardée dans le cœur miséricordieux de Dieu. Car la bienveillance est le premier pas de la Miséricorde.

 

+ David Macaire, OP

 

Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France

 

 

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