AVEC PIERRE CLAVERIE SUR UN CHEMIN D'AMOUR EN VERITE
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La figure de Pierre CLAVERIE, évêque d’Oran, assassiné en 1996, nous conduira sur un chemin d’amour en vérité
le samedi 27 février à 16h30
à la Maison Saint François
avec le Père Marc ZAMIT, ami de maternelle de Pierre CLAVERIE.
Il y aura bientôt vingt ans, le jeudi 1er août 1996, Mgr Pierre Claverie, dominicain, évêque d'Oran, était assassiné.
Vingt ans après sa mort, Pierre Claverie reste un guide. Et sa parole continue de rejoindre ceux qui l'écoutent.
« Quand on a connu Pierre Claverie, on peut être tenté de penser que sa mort est un gâchis, constate Jean-Jacques Perennès, secrétaire général de l'Institut de recherche sur l'islamologie et la culture arabe du Caire. Mais les fruits de sa vie donnée sont sous nos yeux. »
L'écho que sa parole et surtout son exemple rencontrent dans le cœur de jeunes religieux qui ne l'ont jamais croisé est un premier signe de fécondité. La résonance qu'ont ses écrits en est un autre.
Soeur Anne-Catherine Meyer, moniale dominicaine à Orbey (Haut-Rhin), membre du petit groupe des Amis de Pierre Claverie qui s'est constitué pour continuer de faire connaître sa pensée, y a joué un rôle essentiel. Aujourd'hui, elle est une des personnes qui connaît le mieux sa pensée.
« Je suis frappée, dit-elle, par son grand humanisme, son sens de l'incarnation, sa quête incessante de Dieu et de la vérité, son enseignement tout tourné vers l'Écriture, sa recherche de la réconciliation et son humour. Il m'a donné la liberté intérieure. Il m'a appris l'importance de sortir de soi-même pour apprendre à regarder l'autre. Dans chacun des monastères dominicains, il y a au moins une Sœur qui se sent spirituellement concernée par sa vie et sa mort et proche de lui. »
Chez lui, ce qui frappe le plus, c'est son amour de la vérité, sa confiance en Dieu, mais aussi son esprit d'ouverture.
Plus largement, nombreux à travers le monde sont celles et ceux qui se souviennent de sa chaleur humaine, de son intelligence des situations, de la force de sa foi. Des proches, des amis, des Frères et, parmi eux, certains qu'il a ordonnés.
Et puis, les anciens de « la Saint-Do » - ce groupe des Scouts de France d'Alger dont Pierre Claverie était membre - ; les Sœurs libanaises des Saints-Cœurs-de-Jésus-et-de-Marie, auprès de qui Pierre Claverie a notamment appris l'arabe ; les communautés de dominicaines à qui il aimait prêcher des retraites. Et toutes celles et tous ceux qui, au-delà des frontières de l'Église, ont découvert son message.
Enrico Ferri est de ceux-là. Professeur de philosophie du droit et de la politique, cet universitaire italien « plutôt laïque » a rencontré Pierre Claverie en 1995. Organisateur à l'université de Naples d'un colloque sur le thème « Monothéisme et conflit », il lui avait demandé d'intervenir sur le thème : « Les derniers et le règne de l'homme ».
« Sa conclusion était magnifique, se souvient-il. Les derniers deviennent les premiers lorsque chacun sort de lui-même pour répondre à leur cri et être accueillant à leur présence. Lorsque le règne de l'homme s'établit sur cette base, il anticipe réellement le règne de Dieu ! »
En Algérie, l'héritage de Pierre Claverie, se lit surtout dans le silence et le labeur de chaque jour. « Il est toujours vivant, explique Mireille Carulla, dominicaine de la Présentation, qui a été durant douze ans sa secrétaire. Je l'entends encore nous rappeler sans cesse de tout laisser pour accueillir l'autre, grand ou petit. » René You, spiritain et curé de Sidi-Bel-Abbès, qui a étudié les éditoriaux du Lien (le journal diocésain), rappelle qu'un mot résume le message spirituel de Pierre Claverie : "espérance".
« À moins, dit-il, que ce ne soit "ajustement". Ajustement à Dieu, à soi-même, aux autres, au monde dans un rapport respectueux de la vie. » Danièle Billoté, Soeur de Notre-Dame-des-Apôtres, rentrée d'Algérie où elle était présente depuis 1974, se sent, elle, toujours invitée au « dépassement ». « Il ne cessait de nous dire qu'il fallait faire le premier pas à la rencontre de l'autre. C'était son leitmotiv ! »
Les Algériens qui gardent le souvenir de celui qu'il fut pour eux, et les plus jeunes qui ont reçu de leurs aînés l'héritage de son message de fraternité et de fidélité, ont fait leurs certains défis de sa vie. « Pour moi, il était un homme hors du commun », explique Kamel Boualem, qui a réalisé en 2001 le film Merci Pierre.
Naima Kara, avocate qui a pu « compter sur son soutien », retient « la nécessité pour tous les croyants d'être présents sur tous les lieux de fracture, là où l'humanité est brisée ». « Pierre Claverie nous a appris que nous ne pouvions pas vivre les uns sans les autres, se souvient Leila Temci, responsable de la Bibliothèque de philosophie et d'histoire créée par le diocèse d'Oran. Il nous faut semer à notre tour pour créer une Algérie plurielle. »
A l’écoute de Pierre Claverie : l'autre
« L’émergence de l’autre, la reconnaissance de l’autre, l’ajustement à l’autre, pour moi, sont devenus des hantises.
Il faut que l’autre existe, sans quoi nous nous exposons à la violence, à l’exclusion, au rejet.
Découvrir l’autre, entendre l’autre, se laisser aussi façonner par l’autre, cela ne veut pas dire perdre son identité, rejeter ses valeurs, cela veut dire concevoir une humanité plurielle, non exclusive.
On ne possède pas la vérité et j’ai besoin de la vérité des autres. »
(Pierre Claverie, Humanité plurielle)
La vie de Pierre Claverie
1938 : naissance le 8 mai à Alger, au sein d'une famille très unie. Comme d'autres Français d'Algérie, il vit dans « la bulle coloniale ».
1957 : étudiant à Grenoble. Une lettre hebdomadaire le relie aux siens. L'année suivante, il rejoint les dominicains à Lille. En 1959, il poursuit ses études à Paris où il a pour maîtres les pères Chenu et Congar.
1965 : ordonné prêtre, il rejoint deux années plus tard, à sa demande, le couvent d'Alger. Il retrouve une Église qui, sous la conduite du cardinal Duval, s'est mise au service du pays, oeuvrant dans l'éducation, la santé, le développement. Il apprend l'arabe, étudie l'islam et fait la connaissance de nombreux amis algériens musulmans.
1973 : nommé par le cardinal Duval directeur du centre diocésain d'études d'Alger, il y invite des Algériens à parler des réalités politiques, sociales et économiques du pays. Il rédige des cours de théologie, enseigne l'arabe et l'islamologie, multiplie les conférences. Il mène avec Mgr Teissier une réflexion théologique sur « le sens de nos rencontres » : que signifie la présence d'une Église qui ne cherche pas à convertir mais à rendre un témoignage gratuit d'amour fraternel. L'été, il prêche des retraites.
1981 : nommé évêque d'Oran, il crée des « plates-formes de rencontre et de service » où chrétiens et musulmans travaillent au service des Algériens.
1990 : quand la violence s'empare du pays, il plaide pour une Algérie plurielle et fraternelle. Aux conseils de prudence, il répond que la mission de l'Église est de se tenir sur « les lignes de fracture qui crucifient l'humanité » : Islam/Occident, Nord/Sud, riches/pauvres..
1996 : le 1er août, il est tué par une bombe, en compagnie d'un jeune algérien, Mohamed Bouchikhi. À ses funérailles, les musulmans sont majoritaires dans l'assistance. Quelques semaines avant sa mort, il relatait son parcours, dans une homélie prononcée à Prouilhe, berceau de l'ordre dominicain. Pierre Claverie est le dernier des 19 religieuses et religieux assassinés en Algérie entre 1994 et 1996. Plus de 150 000 Algériens ont été assassinés au cours de ces années de violence.
Mgr Henri Teissier, archevêque émérite d'Alger.
Monseigneur Claverie, le 10 mai 1996.
Au nom de l'Evangile, le père dominicain Pierre Claverie est mort assassiné en Algérie où il était resté défendre les valeurs chrétiennes du dialogue contre la violence et la mort.