FLAGRANT DELIT D'AMOUR
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Marie, chargée de l’enfant de Dieu en plein ventre, ne choisit pas le repos que toute femme enceinte cultive avec délicatesse. Elle aurait très bien pu rester au chaud, sous la joie de la conception de Dieu, à Nazareth, dans son trou familial. Mais l’ange, au détour de mille merveilles annoncées, avait laissé entendre que sa vieille cousine se débattait avec un enfant à venir. Il n’en fallut pas davantage pour que Marie prît la route d’Ein Karem, persuadée que l’amour en miséricorde habitait le premier désir de Dieu. Deux cents kilomètres à pieds ou en caravane, qu’importe ! Elle les a offerts, en sueur, sous le soleil de feu, tenant d’une main son ventre embrasé et de l’autre, entre ses doigts, un début de rosaire qu’elle inventait. Au village, du moins ce tableau tend à l’indiquer, la rencontre n’eut pas lieu dans la maison de Zacharie, mais, dans la rue, où se joue la vie partagée. C’est possible, et cela leur va bien et me plaît.
Place au décor. Un arbre sans orgueil abrite la scène et la remplit de son feuillage vert. Serions-nous en été ? Sans doute. Joseph, déjà auréolé, est du voyage. La sainteté commence ici de bonne heure. Etonnante présence mâle dont l’Evangile ne dit mot, comme lui d’ailleurs, qui tout au long des versets reste muet.
Je veux bien accepter le regard du peintre qui ne laissa pas Marie partir toute seule - son art est bien pensé -, mais le réel est plus beau. En vérité, Joseph est à Nazareth et n’est pas au courant de la présence du Fils de l’homme aux entrailles de sa femme. Il se contente de scier des planches et de faire confiance à Marie.
Laissons donc Joseph - bien qu’il soit si beau, pétri d’humble douceur sur cette toile tellement vraie – parmi ses copeaux, et allons vers Marie, drapée de rouge au corps - n’oublions pas qu’elle porte l’Amour – et de blanc, couleur primordiale qui annonce la fin des combats et la venue de la Lumière. La voici qui se penche à présent sur la fertile vieillesse. Ici, tout n’est plus que toucher. Toucher des yeux, toucher des mains, toucher des bras, toucher des ventres : encerclement d’amour en tournoiement de miséricorde, et c’est parfait ! Ainsi, Marie descend avec son corps dans l’âme d’Elisabeth, fait danser l’enfant, et de ses yeux chauds, dit sans parole l’estime de Dieu.
Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine
« Bonté divine ! »
Editions Artège
Texte proposé par Antoinette Clauzon