ATTENDU COMME LE MESSIE ?
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Dans un sursaut d’agacement où il avait été contraint de patienter, Louis XIV s’écria un jour : « J’ai failli attendre ». La phrase est restée proverbiale. On ne fait pas attendre le roi. Mais nous qui sommes rois et reines par notre baptême, nous attendons pourtant souvent et beaucoup.
Précisément, nous voilà dans l’Avent, quatre semaines pour se préparer à Noël disons-nous souvent. Quatre semaines pour attendre. C’est-à-dire quatre semaines pour courir le marathon des cadeaux à acheter, et pour établir le menu des repas des « fêtes de fin d’année » selon la formule aplatie d’une laïcité sans doute menacée par l’Enfant de la crèche. Quatre semaines pour se languir de réunir les proches dispersés ou redouter par avance des ambiances rendues pesantes par les disputes ou une place désormais vide. Quatre semaines pour construire la crèche, faire le sapin, ou savourer déjà les jours fériés en perspective... Bref, nous allons attendre et il faudra bien que ce temps se passe.
Mais qu’attendons-nous ? Comment attendons-nous ? Après quoi courons-nous ? Dans ce tourbillon tapageur de grandes surfaces assaillies, de pères Noël bouffis et de neige synthétique, nous nous laissons facilement aspirer. Un vide est pourtant à habiter, comme une absence qui appelle une présence. Tout ça pour quoi ? Pour qui ? Pour beaucoup aujourd’hui, la réponse est confuse. Réunion de famille ? Trêve annuelle ? Cadeaux échangés ? Sans doute, -et c’est important- mais ce n’est pas tout. Il y a autre chose à attendre, et il y a surtout quelqu’un à attendre... si du moins nous voulons bien accepter le risque de sa rencontre. Pour nous, c’est ce Messie Sauveur, ce Jésus, qui peut aimanter toute notre attente et donner corps à toute notre activité. Nous l’attendons, Lui, et nous aiguisons notre désir de le rencontrer, de le recevoir de nouveau dans sa Nativité.
Pendant l’avent, il y a bien une mangeoire vide, qui résiste à nos caprices du « tout, tout de suite » devant laquelle il s’agira de demeurer. Et plus notre monde fait semblant de l’oublier, plus la surenchère commerciale des festivités parait vide et vaine. En fait, lui seul, ce Christ, peut justifier d’attendre et même d’y trouver du goût. Il viendra nous emplir de sa Vie, il viendra habiter notre monde tout cabossé pour lui donner le Salut. C’est bien le Messie que nous attendons.
Durant ces quatre semaines, nous voudrions vous inviter à passer du temps devant la crèche encore vide, à rester dans cette veille active et pourtant paisible de ceux qui savent leur espérance solide. Faites de votre crèche, à la maison, un vrai oratoire, et invitez-nous à le bénir. Accordons-nous du temps, regardons lentement pousser les lentilles ou le blé semé à la Sainte- Barbe. Ne cédons pas à la frénésie épuisante des magasins mais goûtons la compagnie discrète de Joseph et Marie qui se dirigent vers Bethléem. Habillons plutôt notre cœur de lumière avec les santons ! Alors, si vous le voulez bien, laissons le roi-soleil à ses impatiences, guettons le lever du véritable Astre d’en haut (Lc 1, 78) et écoutons plutôt ce que nous propose saint Jacques dans son épitre :
« Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme car la venue du Seigneur est proche. »
Abbé Bastien Romera, vicaire