SUR LE SYSTÈME ÉCONOMIQUE ET FINANCIER ACTUEL (15)
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17. Ce qui est moralement inacceptable, ce n’est pas le simple fait de faire un gain, mais celui d’utiliser à son avantage une inégalité pour générer des profits importants au détriment des autres ; c’est de faire fortune en abusant de sa position dominante au détriment d’autrui ou de s’enrichir en nuisant au bien-être collectif ou en le perturbant.
Cette pratique se révèle particulièrement déplorable d’un point de vue moral, quand un petit nombre de gens – voire d’importants fonds d’investissement – mû par pur désir de gain, se sert des hasards d’une spéculation pour provoquer une baisse artificielle du prix des titres de dette publique, sans se soucier du fait qu’il influence négativement ou aggrave la situation économique de pays tout entiers. Ainsi mettent-ils en danger non seulement des projets publics d’assainissement, mais aussi la stabilité économique de millions de familles, obligeant alors les autorités gouvernementales à intervenir avec beaucoup d’argent public, ce qui va jusqu’à influer de manière artificielle sur le bon fonctionnement des systèmes politiques.
La spéculation, en particulier dans la sphère économique et financière, risque aujourd’hui de supplanter toutes les autres finalités majeures qui sous-tendent la liberté humaine. Cela porte atteinte à l’immense patrimoine de valeurs qui fonde la société civile, lieu de coexistence pacifique, de rencontre, de solidarité, de réciprocité revigorante et de responsabilité en vue du bien commun. Dans cette ligne, des termes tels que l’« efficacité », la « concurrence », le « leadership », le « mérite », tendent à occuper tout l’espace de notre culture civique ; ils assument une signification qui finit par appauvrir la qualité des échanges, réduite à un pur coefficient numérique.
Cela exige que soit d’abord entreprise une opération de sauvetage de l’humain, afin de rouvrir les horizons à ce surcroît de valeurs qui seul permet à l’homme de se retrouver lui-même, de bâtir des sociétés capables d’être des demeures accueillantes et généreuses, où les plus faibles trouvent leur place et où la richesse soit utilisée de manière égale au bénéfice de tous. En somme, ce sont des lieux où il fait bon vivre pour l’homme et où il est facile d’espérer.