HOMMAGE À HENRI COSSUREL
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Comment rendre hommage à un ami comme Henry, qui ne laissait personne indifférent ?
Parmi nous, certains l’ont connu dans ses ministères, à Paris après son ordination en 1979, à Salon de Provence, à Rognac, en Arles ou à Port de Bouc. Certains l’ont connu entrepreneur et patron à Aubagne. Certains l’ont connu comme voisin, comme hôte et accompagnateur de Mouvements divers : par exemple les anciens de science-po, la JOC, les chasseurs d’Aubagne, les amis des rapatriés d’Algérie, les Rencontres du Badareou. Certains l’ont connu comme père adoptif de Sorel, ce fils adopté qu’il a bien choisi et qui est présent avec nous aujourd’hui.
Certains l’ont connu énergique à en être parfois têtu, enthousiaste à en être exaspérant : c’était Henry aux mille visages, aux mille facettes.
Mais le point commun dans chacune de ces facettes, c’est qu’il était habité par son amour de Jésus Christ. Il était un homme de foi, généreux, sans filtre. Il avait une façon naturelle d’être croyant. Un peu hors du temps, un peu hors-sol, un peu mystique.
Je voudrais vous partager à ce sujet 2 premiers souvenirs.
Le premier c’est lorsqu’il a fait rénover le local à côté de l’église Saint Michel à Salon. Pour en faire l’aumônerie. Ce local à l’abandon était squatté par un SDF et son chien, qui ont été relogés ailleurs. Henry avait fait peindre un vitrail de Saint Michel sur une porte vitrée. Mais quelque temps plus tard une fuite d’eau a eu lieu, marquant le linteau rénové au-dessus du vitrail. Et alors, émerveillé, Henry y a vu la silhouette d’un chien. Et il a dit « c’est le chien du SDF qui est revenu ».
Le deuxième souvenir sur sa foi jubilante, c’est le soir de l’élection du pape François. J’étais avec lui et quand le pape a annoncé qu’il prenait le nom du petit pauvre d’Assise, il a jubilé. Il était heureux de voir son Eglise conduite par un pape s’affirmant proche des plus petits. Lui-même se voulait ouvert aux petits. Par exemple, dans ses messes il s’adressait particulièrement à eux en premier.
Son dernier ministère était ici. Et il était très attaché à Port de Bouc. Et votre peine aujourd’hui montre que c’est partagé.
Il y a environ 2 ans il me disait d’une façon qui s‘est avérée redoutablement prophétique : « quand je quitterai Port de Bouc, j’en mourrai ». Il disait cela car il aimait les paroissiens, les habitants de Port de Bouc. Mais, peut-être comme un père maladroit parfois, il ne savait pas forcément le montrer à tous. Il lui arrivait de dire « je peux péter un plomb par fatigue » et ça ne l’empêchait pas d’être attentif et de rendre grâce pour les échanges qu’il vivait.
C’était Henry aux mille visages que chacun retrouve dans ses souvenirs.
Et puis certains l’ont connu dans les lézardes entre ces mille visages. C’est alors que lui qui ne jurait que par la porte de la foi et la porte de la raison se laissait aller à la porte de l’écoute et du lâcher-prise, la porte de l’émotion. Il appelait ça « casser la coquille » ou « briser l’armure ». Moments rares et précieux où une part authentique de lui respirait.
Il se laissait alors instruire par ce qu’il contemplait chez chacun. Par exemple un jour il m’a dit à propos d’amis communs « voir les témoignages d’amour et d’affection de ce couple blessé par la Vie m’amène à voir la gloire de Dieu sur les choses et les gens ».
Et pourtant, il aspirait à un regard encore plus contemplatif. « Comment prendre le temps de voir ? » disait-il.
Je désire enfin vous partager un de ces moments de grâce que nous avons vécu du 7 au 9 mai 2010 lors d’un week-end dont le thème était « Harmoniser sa vie personnelle, spirituelle et professionnelle ».
J’ai eu la chance de noter ses réponses aux questions suivantes :
- Quels sont les talents qui m’ont été confiés ?
- Quelles sont les valeurs au service desquelles je veux inscrire ma vie ?
- Qu’est-ce qui vous fera dire un jour que vous avez eu une vie réussie ?
- Qu’aimeriez-vous que vos proches pensent et disent de vous le jour de votre « grand départ » ?
- Qu’aimeriez-vous inscrire sur votre pierre tombale ?
- Et si un jour, vous vous retrouvez face à votre créateur et qu’il vous demande « qu’as-tu fais des talents que je t’ai confiés », quelle est votre réponse ?
Il m’a parlé de sa grand-mère pour évoquer ses talents. Elle lui disait : « comme un enfant tente de mettre toute l’eau de la mer dans un trou sur la plage, toi tu mets tout dans ta tête ». C’était déjà la porte de la raison.
o Les talents dont il se rappelait auprès de cette grand-mère
c’était aussi :
§ Réparateur (lampe de chevet)
§ Coopérateur (mamie je travaille avec toi)
§ Il se reconnaissait aussi filou, rusé et jouisseur : à 3 ans il vidait
les petits verres d’alcool des fêtes familiales en cachette.
o C’est par cette grand-mère qu’il a connu ce qu’est l’amour. Par cette grand-mère, par ses parents et par ses amis d’Eguille.
o Sa foi venait aussi de cette grand-mère avec qui il priait en disant « fais-moi devenir grand et sage » ! C’était déjà la porte de la foi
Pour les valeurs au service desquelles il voulait inscrire sa vie il lista, et je cite :
§ « Le service ». Que l’on peut retrouver dans sa générosité.
§ « Vivre la paix et la joie partagées »
§ « La vérité », qu’il plaçait dans la filiation au Christ : « Christ crucifié, je rends témoignage à la Vérité » disait-il
§ « L’Amour et le Sacrifice, dans la patience de Dieu qui guérit la Vie »
A la question qu’est-ce qui vous fera dire un jour que vous avez eu une vie réussie, Il répondit par une prière « J’aurais eu une vie réussie si j’ai aimé grâce à Toi Seigneur, comme une coupe débordante ! »
Pour comprendre ce qu’il aimerait que nous pensions et disions le jour de son « grand départ » et pour que la réponse ne choque personne, je précise que si l’or parle de générosité et de pureté, et l’acier d’endurance , le bronze inébranlable parle de force et de résistance aux tentations.
Ceci posé, il aurait aimé que ses proches le décrivent avec la définition d’un bon curé, d’après le père Müller dont il était le vicaire à Salon :
« Il avait un cœur d’or, un estomac d’acier, des couilles en bronze »
Le cœur d’or parle de générosité et de pureté, l’estomac d’acier d’endurance, le bronze parle de force et de résistance aux tentations.
Sur sa pierre tombale il souhaitait faire inscrire « Il a aimé et servi Jésus de Nazareth, roi des juifs »
Et à ma question de savoir pourquoi préciser ‘Jésus de Nazareth, roi des juifs’, il m’a répondu. « C’est l’inscription INRI posé au-dessus de la croix. Et mon père pensait que Dieu s’appelait INRI ou Henry ! »
Face à son créateur qui lui demanderait « qu’as-tu fais des talents que je t’ai confiés », sa réponse voulait être : « Le maximum ». C’était toujours Henry aux mille visages.
Henry nous a marqués, Henry m’a marqué. D’une manière mystérieuse, à travers tous ces moments de grâce possibles.
Je le retrouverai longtemps dans l’écho de ses mots :
« J’ai fait le Maximum avec les talents reçus »
« Je veux aimer comme une coupe débordante»,
et surtout :
« Le spirituel est réel. Le plus profond n’est pas visible mais il est réel. »
« Le spirituel est réel. Le plus profond n’est pas visible mais il est réel. »
Fraternellement et filialement
François Wioland
le 26 juin 2019 à Port de Bouc