DOCUMENTS PAROISSIAUX
« Notre Père… délivre nous du Mal ! »
Honte, sidération, colère, incompréhension… ce sont toujours les mêmes mots, les mêmes sentiments qui se répètent et nous habitent alors que le rapport de la CIASE rendu public ce mardi 5 octobre met des mots, des chiffres et surtout des témoignages de victimes sur ces horreurs qui ont eu lieu dans l’Église depuis les années 50. Donner la parole aux victimes, écouter leur témoignage, c’était bien la première mission de cette commission. C’est par là aussi que j’ai voulu commencer, en lisant le document De victimes à témoins (disponible sur le site de la Ciase). On y trouve tout au long des pages cette « banalité du mal », comme l’évoque Sr Véronique Margron, au nom de tous les religieux et religieuses, en reprenant l’expression de la philosophe Hannah Arendt. Mais au-delà de la sidération face à des situations que l’on pensait impossibles quand il s’agit d’hommes ou de femmes témoignant de l’Évangile du Christ, il y a aussi la colère de constater combien ces scandales ont pu durer, se reproduire en toute impunité. Il faudra maintenant le courage pour changer, transformer, réformer ce qui doit l’être afin d’arracher l’ivraie jusqu’à la racine, grâce notamment aux recommandations qui ont été formulées par le rapport Sauvé.
Alors qu’un jour à la Messe je pensais à tout cela, j’ai été marqué par la lecture de l’Évangile qui rappelait le don du Notre Père aux apôtres. Ce fondement de notre vie chrétienne qui commence par évoquer la paternité de Dieu et fini par l’évocation du Mal, dont on demande au Seigneur de nous délivrer. Les prêtres sont là pour signifier cette paternité de Dieu révélée pleinement en son Fils Jésus, et pour le faire dans la chasteté d’un Saint Joseph afin de faire grandir, de rendre toujours plus libre, de devenir toujours plus enfant de Dieu. Et voilà que chez certains cette belle mission a été dévoyée, pervertie, trahie en revêtant le masque du Mal le plus sordide puisqu’il devient scandale, pierre d’achoppement pour un enfant. Nos vies se situent, comme notre prière, entre ces deux aspirations : vers le haut, ou vers le bas…
Pour finir, je voudrais laisser la parole à notre archevêque qui quelques jours avant la remise de ce rapport nous adressait quelques mots et une prière, qui restent d’actualité :
Ce mois d’octobre sera le temps d’une épreuve de vérité. La commission créée à l’initiative des évêques de France, présidée en toute indépendance par Monsieur Jean-Marie Sauvé, ancien président du Conseil d’État, publiera son rapport sur les abus sexuels commis par des clercs en France. Ce rapport sera douloureux. Cette douleur est d’abord et avant tout celle des enfants victimes et de tous ceux qui ont été touchés par les crimes commis. Je vous invite à accueillir ce rapport en pensant d’abord à l’épreuve des enfants, victimes aujourd’hui adultes, toujours blessées, jamais guéries. Ce rapport nous touchera profondément, il suscitera en nous des sentiments divers, de la colère à la tristesse, du dégoût à la compassion, du rejet de l’Église au cri vers Dieu… Accueillons et écoutons. Je vous invite aussi à prier le Seigneur des miséricordes et à répondre aux appels à la prière dans vos paroisses et vos communautés.
Seigneur, nous te confions toutes les personnes qui ont subi des violences et agressions sexuelles dans l’Église ; que dans leur épreuve, elles puissent toujours compter sur ton appui et notre soutien. Qu’à l’image de ton Fils, nous prenions soin des plus petits et des plus fragiles pour faire de notre Église une « maison sûre ». Amen.
Père Michel Isoard, curé