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CHARLES DE FOUCAULD, UNE FRATERNITÉ SANS FRONTIÈRE

  • PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC

 

Charles de Foucauld sera canonisé le 15 mai. L’Église reconnaît ainsi la sanctification de ce missionnaire qui a donné sa vie dans un désir brûlant de rencontre avec ses frères humains.

 

Mgr Aveline, archevêque du Diocese de Marseille

Rien de très réussi dans la vie de ce jeune officier que les honneurs de ce monde n’intéressaient guère et qui s’ennuyait très vite dans la vie de garnison. Une médaille d’or récompensant son remarquable travail d’exploration au Maroc n’aura pas suffi à le retenir dans les salons de la bonne société de son temps. Car dans ce monde des honneurs, décidément trop étroit pour lui, il désirait, sans savoir trop quoi, mais il désirait, d’un profond désir, aller là où personne n’était allé, faire pour « la première fois » ce que personne n’avait encore jamais fait. Explorateur dans l’âme, il voulait connaître ce qui était au-delà des frontières, ce qui le dépassait, ce par quoi il se surpasserait. Il ne se résignait pas à l’idée d’entrer dans une case et préférait sortir des rangs plutôt que de s’embourgeoiser. Pour ce jeune aristocrate, il s’agissait surtout de vivre et de vivre pleinement, mais il ne savait pas bien comment. Il tâtonnait et continuait de chercher jusqu’à se perdre dans ces futilités désertiques des mirages mondains.

 

Sa découverte des croyants de l’islam qui l’émut en profondeur le prépara, « d’une façon que Dieu connaît », à une nouvelle rencontre avec le Christ Jésus qui devait à jamais le retenir dans son bel amour. Son désir brûlant de vivre, qui lui avait permis d’échapper à de trop étroites mondanités, l’introduisit dans toute l’immensité de l’amour, où l’adoration eucharistique deviendrait la source de sa charité et où le visage de l’autre, celui surtout des plus petits, «envisagé» par la Parole de Dieu, serait en toute circonstance la vraie trace infaillible de l’appel divin.

 

Sur les pas de ce moine, de cet ermite et de ce prêtre missionnaire, difficile à suivre tant l’Esprit qui le guide déroute ses amis, ses familiers, voire ses supérieurs, c’est une aventure inédite qui se joue, une aventure faite d’un profond silence et d’une grande ouverture de cœur. Charles de Foucauld aime le silence et la solitude. Il y retrouve celui qu’il aime, devant le tabernacle, à la dernière place, celle que personne ne pourra ravir à son Seigneur, mais dont il se veut le plus proche possible. Sa quête insatisfaite de la «première fois», il la met au service de la «dernière place». Là, à jamais devancé par le Maître, le serviteur don­ne toute la mesure de son amour, puisant en Jésus-Charité dont il perçoit qu’il est la bonté absolue, l’horizon indépassable des aventures les plus audacieuses. « Notre anéantissement est le moyen le plus puissant que nous ayons de nous unir à Jésus et de faire du bien aux âmes » écrira-t-il à Marie de Bondy, quelques jours avant sa mort. « De l’ostensoir à sa porte », il n’y a qu’un pas, celui d’un élan du cœur à la mesure de Dieu.

 

Petit frère de tous, il ne peut admettre qu’un seul de ces petits qu’il croise soit exclu de la bonté de Celui qui a versé son sang pour la multitude. Dans ce lieu silencieux où son âme s’ouvre au Tout-Autre, il puise la joie et l’énergie d’aller à la rencontre de tous. Il veut rencontrer chacun à la mesure de ce que signifie «rencontrer quelqu’un». Il veut amener à l’Évangile, « non par la séduction, mais par la bonté et l’exemple des vertus ». L’amitié qu’il noue avec les Touaregs, la tendresse familiale et la fidélité amicale qui le poussent à tant écrire, sa disponibilité pastorale pour ces soldats perdus en plein Sahara: toute sa vie respire de ce désir d’une fraternité sans frontière. Son fort désir d’aventure, sa volonté de conquérir aussi des terres inconnues, tout cela est transformé en ces liens très humains qu’il tisse jour après jour par l’étude assidue des langues, le partage de ses biens et le rayonnement discret et délicat du divin Maître qu’il aime adorer.

 

On comprend mieux, plus d’un siècle après sa mort, que ce n’est évidemment pas à la surface des choses, ni dans l’immédiateté du temps, que l’on discerne une grande œuvre missionnaire. La vie de Charles de Foucauld le rappelle à qui veut l’entendre. Son visage même apparaît de plus en plus rayonnant à mesure que son cœur se simplifie et contemple l’humilité de Dieu. Ni chiffre, ni jauge, ni résultat tangible pour mesurer l’œuvre divine. L’annonce de l’Évangile n’est pas une affaire commerciale où quelques recettes viendraient assurer, à qui serait inquiet de la discrétion divine, une sorte de réussite finale. Cette annonce reste, en tout lieu et en tout temps, le don d’une âme saisie par Dieu, un don humble et caché dans le silence de la prière, un don simple et amical dans la rencontre de chacun et de tous. Cette proximité fraternelle et universelle, enracinée dans la proximité même de Dieu avec « toutes les familles de la terre », donne le rythme de l’aventure missionnaire sur l’horizon de la promesse faite à Abraham. Elle révèle l’humble et belle vocation de l’Église à la catholicité.

 

Mgr Jean-Marc Aveline, Archevêque de Marseille

 

CHARLES DE FOUCAULD, UNE FRATERNITÉ SANS FRONTIÈRE
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