DU FOND DE MA DÉTRESSE
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Le Pasteur Anderson Moubitang quitte Martigues. Nous rendons grâce pour toutes les belles célébrations œcuméniques vécues à Martigues. Il nous laisse cette prière.
Les tempêtes font rage, les vents soufflent fort,
Ma barque est ballottée, je crains le sort,
Mais une ancre solide, me retient au port,
C’est toi, Seigneur, mon refuge, mon réconfort.
Mon Dieu est mon abri,
Ma forteresse en temps de pluie,
Mon refuge dans les heures sombres,
Tu es là, jamais ne défaillant.
Les épreuves sont rudes, la vie est difficile,
Les ennemis s’acharnent, le découragement m’habille,
Mais ta présence est sûre, ton amour indéfectible,
Tu es ma force, mon bouclier invincible.
Sur les hauteurs de ta montagne, je m’élève,
Contemplant ta grandeur, ta beauté me ravive,
Ta parole me nourrit, ma foi grandit et s’achève,
Dans un havre de paix que tu offres, tu m’élèves.
Pour tous ceux qui cherchent un refuge,
Un endroit sûr, un rocher à l’abri des orages,
Viens te réfugier en Dieu, en sa grâce infinie,
Il sera ton soutien, ton appui, ta vie éternelle.
Anderson Moubitang
Prédication du Pasteur Anderson Moubitang lors de la célébration œcuménique à l'église Saint Louis d'Anjou
Martigues, le 22/01/2016
Célébration œcuménique
Eglise Saint Louis D’Anjou
Evangile de Matthieu 5 : 13-16
Prédication
Un jour, dit un sage hindou, j'ai assisté au déplacement d'une grosse pierre. Toutes sortes de petites créatures vivaient sous cette pierre. Elles avaient toujours vécues dans l'ombre. Quand la lumière du soleil les a surprises, elles se sont mises à courir, effrayées, dans toutes les directions. Elles ne pouvaient supporter la lumière. Quand la pierre a été replacée dans sa position initiale, vous auriez dû voir alors la hâte de ces créatures à retourner à leur place. Quel soulagement pour elles que de se précipiter sous la grosse pierre.
Pour les petites bêtes de notre histoire, l’ombre représente le confort, la sécurité, et c’est la lumière qui, paradoxalement, est cause d’effroi, de frayeur, de panique. Alors elles la fuient, illustrant ainsi la maxime selon laquelle pour vivre heureux vivons caché.
L’Evangile invite à une attitude autre. Vous êtes comme une lampe placée sur un chandelier. Vous êtes comme une ville située sur une montagne. Vous êtes le sel de la terre. Et le sel, nous le savons, a pour vocation de se mélanger aux aliments. Soit pour les assaisonner, soit pour aider à leur conservation. Un sel qui reste tout au fond de la salière ne vaut certainement pas mieux qu’une lampe qu’on allume pour la recouvrir d’un tonneau.
Sel de la terre et lumière du monde, Jésus n’en parle ni au futur, ni au conditionnel, ni à l’impératif. Il ne s’agit par conséquent ni d’une promesse à venir, ni d’une condition à remplir, ni d’un but fixé que certains atteindront et d’autres peut-être pas. Il ne s’agit pas non plus de les avoir, de les posséder. Ce qu’on a, ce qu’on possède, on peut l‘égarer, l’oublier, le laisser tomber, le casser, l’user. Mais lumière du monde et sel de la terre, vous l’êtes. Et vous l’êtes à chaque instant, à tout moment, et peut-être même à jamais. Il n’y a donc aucun risque que vous les perdiez, que vous cessiez d’être ce que vous êtes voué à être.
Bien sûr votre vie de chrétien peut manquer de vivacité, d’éclat, de caractère, d’intelligence, d’audace, d’amour. Vous pouvez choisir de camoufler votre foi plutôt que de la laisser briller ; vous pouvez la laisser enfermée chez vous quand vous quittez la maison ou la porter en bandoulière tout au long de la journée. C’est en fait le seul choix que vous avez : soit être visible sur un chandelier, soit être caché sous un tonneau ; soit être un sel fade en restant au fond de la salière, soit être un sel savoureux qui se mélange à la pate de votre vie quotidienne. Mais vous ne pouvez cesser d’être sel et lumière. En effet ça vous colle à la peau, ça ne vous lâche pas, vous ne pouvez vous en défaire, vous en débarrasser, c’est non détachable, c’est indissociable de vous.
Ce ne sont cependant pas des signes distinctifs réservés à ceux qui auraient atteint un degré supérieur d’initiation aux vérités chrétiennes, ni une grâce particulière, une sorte d’avantage du chrétien sur le reste des humains. Jésus ne s’dresse pas à une élite, mais il parle « aux grandes foules » qui le suivent, parmi lesquelles on trouve des gens en proie à toutes sortes de maladies et de tourments : des démoniaques, des lunatiques, des paralytiques. A tous il déclare : vous êtes la lumière du monde ; vous êtes le sel de la terre.
Ces propos tranchent avec le pessimisme ambiant. Alors que beaucoup ont tendance à désespérer de l’humanité, Jésus reconnaît à chacun de nous, qui que nous soyons, de la valeur, de l’importance, du prix dans le sens de précieux. Pour lui, nous sommes tous aptes à donner du goût, de la saveur, de la joie à cette terre sur laquelle nous vivons, à faire le bonheur de nos concitoyens, à illuminer les journées souvent sombres de nos semblables.
Notons tout de même que trop de sel donne à la nourriture un goût infect. Trop de sel dans le sol rend la terre stérile. Trop de sel dans notre corps provoque des problèmes de santé. Trop de sel dans un cours d’eau tue toute vie. De même trop de lumière éblouit, et même aveugle. Alors comment être sel de la terre et lumière du monde ?
Une des singularités du sel, c’est qu’on en parle rarement, sauf s’il vient à manquer, ou quand il y en a trop. Mélangé aux aliments dans des proportions raisonnables, le sel s’y dissout et disparaît. Il devient alors inexistant bien que présent.
Autre singularité. Si en effet le sel donne de la saveur à ce que nous mangeons, le sel en lui-même est immangeable. Nul ne va au restaurant pour commander un plat de sel. D’ailleurs vous n’auriez aucune chance qu’on vous le serve : le sel ne figure jamais comme tel sur la carte des menus.
Troisième singularité. Le sel n’est pas sel pour lui-même. Sa vocation n’est pas de saler sa propre existence, mais de donner du goût à ce dans quoi on l’incorpore. C’est en valorisant le monde et ses habitants, c’est en donnant du goût à leur existence que le sel accomplit sa vocation de sel. Dans une posture égoïste, égocentrique, le sel n’est plus sel.
La lumière non plus ne brille pas pour elle-même, mais elle éclaire ce qu’elle illumine. Le chanteur disait : « 700 millions de Chinois, et moi, et moi, et moi, avec ma vie, mon petit chez moi, mon mal de tête, mon mal de foie, ma voiture, mon chien et son Canigou quand il aboie… » Celui qui ramène ainsi tout à soi, ne peut vivre sa vocation de sel de la terre et de lumière du monde.
Sel de la terre et lumière du monde traduisent sans doute mieux que toute autre image, la notion chrétienne de l’amour du prochain.
En effet l’amour du prochain suppose deux choses. La 1ère c’est l’estime de soi. Si je suis sel, si je suis lumière alors je ne suis pas rien, puisque je suis potentiellement apte à faire le bonheur de l’autre, à l’illuminer. La 2ème chose. Tout comme le sel qui ne salerait rien n’est rien, tout comme une lumière cachée sous un tonneau n’est rien, l’estime de soi n’est rien non plus si l’on ne s’emploie pas à semer la joie autour de soi.
Aime Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et aime et aime ton prochain comme toi-même. L’essentiel pour notre foi est ainsi dans le relationnel. Autrement dit, dans ce que l’on vit pour Dieu et pour le prochain, et non pas dans ce que l’on cherche à vivre pour soi-même. L’amour du prochain n’est pas censé faire notre bonheur d’abord, il est l’occasion d’être sel et lumière pour son prochain ; il est cette opportunité, cette grande chance, qui est donné de s’employer à faire son bonheur, plutôt que d’attendre du prochain qu’il me rende heureux. Ceci est encore plus vrai dans les couples.
Vous êtes sel ? Alors soyez-le ! Vous êtes lumière ? Soyez le aussi ! Mais, est-ce seulement possible ? Est-ce possible de nos jours ? Est-ce possible dans une société française qui se revendique bruyamment postchrétienne ?
En fait notre siècle s’y prête parfaitement. Jamais nous n’avons eu autant de possibilités que maintenant d’être sel de la terre et lumière du monde. Liberté religieuse et liberté d’expression sont une réalité. Des libertés contestées ici ou là. Mais si elles sont contestées, c’est justement parce qu’elles existent et progressent. Internet, Facebook, Twitter, la radio, la télévision, la presse écrite, l’imprimerie, l’affichage publique… les moyens sont partout à disposition pour être, aujourd’hui plus que jamais, lumière du monde et sel de la terre.
Etre sel, c’est-à-dire aimer, pardonner, chérir, sourire, rester serein, être ouvert, dialoguer, être tolérant, être à l’écoute… Etre lumière, c’est-à-dire savoir expliquer sa pensée, ce que l’on croit, sans nécessairement insister, sans chercher à imposer, sans forcer. Être sel et lumière quand on dialogue, ou en tapant un message sur internet. Être set et lumière dans sa famille, au milieu des siens, dans la rue, dans un bus ou dans un métro bondé. Laisser transparaître sa lumière sur son visage, au milieu d’autres visages parfois mornes ou endormis,
Mais qu’est-ce qu’il a ; mais qu’est-ce qu’elle a ; se demanderont les gens à votre sujet ? Mais rien du tout. Vous n’avez rien puisque lumière et sel, on ne les possède pas. Qu’est-ce que c’est alors ? Vous êtes ce que vous êtes, simplement vous même : sel de la terre et lumière du monde.
Et il suffit d’un peu de sel pour donner goût aux aliments ; il suffit de la lumière d’une bougie pour éclairer toute une pièce. Amen.