J’AI AIMÉ L’ÂNE
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Méditation du cardinal Christoph Schönborn sur l'Évangile des Rameaux
(traduit de l’Allemand)
« J'ai aimé l'âne. Je l'aime bien, presque comme un frère. Bien sûr, Jésus est au centre de nos préoccupations. Aujourd’hui, c’est son entrée cérémonielle à Jérusalem. C'est le thème du dimanche des Rameaux. Et pourtant, il est frappant de constater que sur les dix versets de l'Évangile d'aujourd'hui, sept tournent exclusivement autour de l'acquisition d'une monture. L'âne ne savait probablement pas pourquoi on lui rendait tant d'honneur, tout comme le bœuf et l'âne de l'étable de Bethléem, lorsqu'un petit nouveau-né gisait dans le foin qui leur était destiné dans leur mangeoire.
Alors aujourd’hui j’aimerais penser à ce poulain, ce jeune âne. Je pense qu'il a beaucoup à nous dire. Mais d'abord un mot sur les habitudes de voyage de Jésus. Comme la grande majorité des gens de son époque, ses pieds étaient son seul « véhicule ». Les Évangiles rapportent des excursions occasionnelles en bateau sur la mer de Galilée. Autrement, Jésus a parcouru toutes les distances à pied. On comprend que l'on raconte parfois que, fatigué du voyage, il s'assit au bord d'un puits pour se reposer. Depuis son enfance, combien de fois effectuait-il le voyage de la Galilée à Jérusalem, qui durait plusieurs jours ? Probablement plusieurs fois par an, lors des grandes fêtes juives, au moins chaque année à la Pâque.
Il est donc désormais tout près de Jérusalem, dans deux faubourgs d'où l'on peut déjà voir Jérusalem. Cette fois, il ne veut pas venir en ville à pied en pèlerinage. Il a un plan précis. Il a en tête une parole du prophète Zacharie qui mérite d’être lue dans son intégralité : « Réjouis-toi à fond, fille de Sion ! Crie, fille de Jérusalem ! Car ton roi vient à toi. Il est juste et aide ; Il est modeste et monte le poulain d'un âne. Je détruirai les chars d'Éphraïm et les chevaux de Jérusalem ; l'arc de guerre sera détruit. Il proclame la paix pour les nations. » C'est ainsi que Jésus veut comprendre son entrée à Jérusalem. Ce qu'il fait est l'expression de sa mission et du contenu de son message. Il ne demande pas davantage d’armes, mais entre à Jérusalem sans défense en messager de paix. Il en paiera le prix dans quelques jours par la mort sur la croix. La récompense ne sera pas un royaume terrestre, mais un ciel ouvert : la résurrection au matin de Pâques !
Mais revenons au jeune âne. Jésus vient de l'emprunter. Après avoir terminé son service, il a été restitué à son propriétaire. Quel fut son sort ultérieur ? A qui a-t-il servi de monture ? N'était-il qu'un mulet de bât, chargé de lourds fardeaux sans limite, au point de s'effondrer ? À un moment donné, lui aussi est mort. Mais une chose lui restait pour toujours : Jésus l’a choisi, et lui seul, parmi tous les ânes de Jérusalem. Il était encore jeune, « personne ne s’était jamais assis dessus ». Jésus fut la première personne à être autorisée à se servir de cet animal de compagnie. Il était littéralement un « Christophe ». Le nom Christoph signifie « porteur du Christ » en grec.
C'est ce qui me touche chez ce jeune âne. Combien de personnes doivent supporter de lourds fardeaux dans la vie, parfois au point de s’effondrer. Paul dit : « Portez les fardeaux les uns des autres. De cette façon, vous accomplirez la loi du Christ. » Savons-nous que, comme l'âne qui portait Jésus, nous le portons les uns aux autres lorsque nous nous portons les uns les autres ? Et encore une chose : saint François, déjà gravement malade, remercia Dieu pour son corps et l'appela « Frère Âne ». Rendons grâce aussi pour ce frère qui nous porte les uns les autres et les uns pour les autres tout au long de la vie ! »