Entrant dans ma troisième année d’épiscopat, j’ai gravi une nouvelle fois la montagne Sainte-Victoire. Il me semble que, de là-haut, on voit plus loin, et pas seulement au plan géographique. Le nom même de la montagne « Sainte-Victoire » est une proclamation d’Espérance. L’Espérance d’une victoire attendue au cours de toute la révélation biblique et qui n’est pas celle des armes, ni des volontés humaines ou des conquêtes du siècle. Des armes, il ne faut attendre aucune véritable victoire. Des volontés humaines, des déceptions. Des conquêtes du siècles, des contradictions et des tourments.
L’Espérance victorieuse de la montagne fait écho avec d’autres lieux de l’Espérance dans notre diocèse, comme Notre-Dame de Beauregard. Du haut de la falaise, la Vierge jette un regard bienveillant sur la terre de Provence où vivent, espèrent, souffrent, œuvrent hommes et femmes. C’est aussi le cas des Saintes-Maries, où je serai prochainement. Sur ce rivage perdu, désolé, isolé au milieu des marais, ont accosté celles qui avaient redouté l’écrasante pierre du tombeau, mais l’ont découverte renversée, devenant à jamais les femmes témoins de l’Espérance invincible du Christ.
L’Espérance est l’une des trois vertus théologales, c’est-à-dire qu’elle vient de Dieu. Elle n’est pas un effort humain, un sentiment ou une qualité de la personne humaine. L’Espérance est un don de Dieu, que l’on accueille, que l’on reçoit, que l’on cultive et sur lequel on s’appuie de toute ses forces. Jésus nous donne l’exemple suprême de l’espérance chrétienne lorsque, par trois fois, il indique à ses disciples qu’il va être arrêté, qu’il va souffrir, qu’il va mourir et que, le troisième jour, il ressuscitera d’entre les morts. Selon moi, cette expression-là, à ce moment-là de sa vie publique est l’expression la plus forte de ce que l’on appelle l’Espérance.
Bernanos parle avec raison de « l’Espérance héroïque ». Elle se révèle en effet dans des circonstances héroïques et non dans les facilités du moment. Il faut être insensé pour croire que l’Espérance est une faiblesse, une innocence, une naïveté. Au contraire ! Elle est faite pour ces temps de guerre, pour ces temps d’incertitudes, pour ces temps où la foi chrétienne est ignorée de beaucoup, moquée par les bien-pensants comme par les violents. Elle est le don de Jésus pour ceux qui demeurent debout, envers et contre tout.
Quant à Péguy, il parle de l’Espérance qui tient par la main et la Foi et la Charité. Le péril est grand, il est vrai, que les disciples de Jésus soient tentés par ce monde qui ne connait pas l’Espérance. Or, le chrétien qui abandonne l’Espérance est en très grave danger d’errer dans la Foi et d’ignorer la Charité. Quittez l’Espérance, et la peur, le découragement, la recherche de sécurité, le ressentiment vous feront quitter la foi et ignorer la charité active.
C’est donc une grâce particulière d’entrer bientôt dans l’Année Sainte 2025 sous le vocable de l’Espérance et l’invocation suivante : Spes non confudit « l’Espérance ne déçoit pas ». Le Saint Père invite les fidèles et l’Eglise à l’Espérance qui vient de l’amour du Christ : « L’espérance chrétienne ne trompe ni ne déçoit parce qu’elle est fondée sur la certitude que rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu » (n.3).
Il s’agit pour chacun de refonder notre Espérance dans le Christ, de témoigner de l’Espérance, de rendre compte de l’Espérance qui est en nous car « rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de l’amour du Christ ».
L’Espérance est une ancre accrochée à l’Amen de Dieu. Elle est notre ancrage dans le Seigneur. Dans les obscurités de ce monde, nous sommes envoyés pour proclamer l’Espérance qui vient de Dieu, elle qui donne foi et courage à tous les artisans de paix, à tous les acteurs de justice, à tous ceux dont la charité s’active dans les champs de détresse du monde.
Mardi 1er octobre 2024,
en la fête de Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus
Monseigneur Christian DELARBRE
Archevêque d’Aix et Arles