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JOURNAL DE LA FIN DE VIE

  • PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC

 

« C’est toujours à l’attention portée aux plus vulnérables que se reconnaîtra notre humanité. »
 
« Depuis des mois qui font maintenant des années, notre pays s’est à nouveau emparé de la question de la fin de vie, un débat jamais clos, parce que la vie et la mort sont des questions infinies, mais un débat qui est aussi une question politique. »
 
La liberté sans choix n’en est pas une. L’alternative entre une mort rapide et une mort après avoir souffert est un marché de dupes. Les soins palliatifs proposent une troisième voie  : tout mettre en œuvre pour soulager la souffrance. L’Etat ne s’y est pas trompé, qui depuis 1999 garantit par la loi leur accès à tous. Mais, un quart de siècle plus tard, une moitié seulement des patients qui en auraient besoin bénéficient d’un tel accompagnement, tandis que ressurgit le projet d’autoriser le suicide assisté et l’euthanasie. Pour bon nombre de soignants, c’est un choc immense. Et cela apparaîtra toujours comme une scandaleuse solution de facilité tant que cette troisième voie offerte par les soins palliatifs restera sous-developpée.
 
Claire Fourcade est médecin et présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Ce livre témoigne de sa pratique quotidienne auprès des patients et de sa participation aux débats autour de la loi sur la fin de vie, où les grandes questions philosophiques côtoient les petits calculs politiques, malheureusement le plus souvent dans l’ignorance totale des réalités du monde soignant.

JOURNAL DE LA FIN DE VIE

« Je n’ai ni un sens politique acéré, ni une grande capacité d’anticipation », s’excuse Claire Fourcade au tout début de sonJournal de la fin de vie, sorti mercredi 22 janvier (1). Entre récit personnel et réflexion éthique, ce livre vient souligner la position incontournable que la présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs(Sfap) occupe depuis deux ans et demi dans le débat public sur ce sujet. Et démontre que cet aveu autocritique n’est pas à prendre au sérieux.

 

« Elle s’est au contraire révélée une formidable défenseurs du bien commun en incarnant, avec une intelligence et une humilité rares, la voix des soignants et des patients face à un projet de loi délétère », soutient avec ferveur Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale. « Dans ce débat souvent caricatural, voire truqué d’avance, elle a su imposer une idée forte : tuer n’est pas compatible avec le soin, ce qui est un message éminemment politique. »

 

Accompagner jusqu’au bout

 

Rien ne prédestinait Claire Fourcade à ce rôle de premier plan. Sa vocation, révélée à l’âge de 7 ans à la suite d’une banale opération de l’appendice, est d’abord médicale. Mais durant ses études à la faculté de Montpellier, son rêve d’intégrer un service de réanimation néonatale se heurte à la réalité d’une médecine ultra-technique, loin de ses aspirations.

 

Un autre stage dans un service de maladies infectieuses qui accueille des personnes atteintes du sida achève de la convaincre de l’importance de la relation entre soignant et soigné quand le pronostic est écrit d’avance. Direction le Canada pour s’initier aux soins palliatifs, inventés trente ans plus tôt.

 

La médecine palliative, elle, ne revendique que d’être au côté du malade souffrant pour tenter de le soulager et l’accompagner dignement jusqu’au bout. La docteure Fourcade – 57 ans, maman de cinq enfants adoptés – la pratique depuis maintenant un quart de siècle à l’hôpital privé du Grand Narbonne, dans l’Aude.

 

« C’est ce vécu quotidien, cette expérience acquise au bord du lit des patients en fin de vie, qu’elle transmet avec simplicité et clarté, qui donne de la crédibilité à son discours et lui vaut d’être estimée, y compris de ses adversaires », avance son confrère et ami, le docteur Olivier Mermet, à qui elle a succédé, en septembre 2020, à la tête de la Sfap, société savante qui rassemble 10 000 soignants et 6 000 bénévoles accompagnants.

 

Le « soin de tous pour tous »

 

Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui milite activement pour la légalisation de l’euthanasie, ne dément pas. « Claire est une des rares adversaires qui manifeste un respect total des opinions de chacun. Nos convictions divergent, mais j’ai toujours du plaisir à échanger avec elle, y compris en privé », témoigne-t-il.

 

« À l’inverse du portrait dressé par certains médias qui la présentent comme une anti-euthanasie dogmatique, son point de vue est basé sur le réel. Elle témoigne des attentes des malades, du fait que les demandes de mort disparaissent lorsqu’ils sont humainement pris en charge, du manque de moyens de la médecine palliative, de l’inquiétude des soignants à voir leur métier abîmé, cassé si l’euthanasie venait interférer avec la promesse de non-abandon », appuie son mari Michel qui, en bon historien, l’a incitée à noter chaque rencontre, chaque intervention pour laisser une trace de son combat.

 

Reste une question en suspens : si elle a beaucoup parlé, a-t-elle été entendue par les décideurs ? « Côté gouvernement, je me suis heurtée à des postures qui m’ont parfois mise en colère, mais je n’ai jamais rompu. Chez les parlementaires en revanche, j’ai rencontré beaucoup de gens soucieux d’améliorer le monde, même si je ne partage pas toujours leurs idées », confie-t-elle.

 

Son leitmotiv, qu’elle promet de défendre demain comme hier, tient en une phrase : « Une société du soin, de tous pour tous. » Comme une réponse à l’interpellation : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » 

 

(1) Fayard, 360 p., 22,90 €.

 

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