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LA QUÊTE SPIRITUELLE DE LA GÉNÉRATION TIKTOK

  • PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC
LA QUÊTE SPIRITUELLE DE LA GÉNÉRATION TIKTOK
LA QUÊTE SPIRITUELLE DE LA GÉNÉRATION TIKTOK

Le pèlerinage des lycéens d’Île-de-France s’est achevé à Lourdes mercredi 16 avril. Marqué par une affluence record de 13 500 inscrits (soit 50 % de plus que la dernière édition), le succès de ce pèlerinage populaire et multiculturel témoigne de la soif spirituelle de la nouvelle génération.

 

À peine le temps de louange terminé, un groupe de « Frateux » a déjà sorti les sifflets. Dans la salle de la Forêt, à quelques enjambées de la grotte de Lourdes (Hautes-Pyrénées), le vacarme est assourdissant. « Pas de sifflets dans l’enceinte du sanctuaire s’il vous plaît ! », hèlent des bénévoles en sweat bleu. Il faut dire que, dans le reste de la cité mariale, on remarque bien les participants au pèlerinage des lycéens de toute l’Île-de-France. Au détour d’une rue, dans l’ambiance pluvieuse de Lourdes, surgissent des jeunes affublés de chapeaux de cow-boys ou de bobs roses et armés de caisses claires et de sifflets. Sur la terrasse abritée du café des Brancardiers, où des pèlerins étrangers ont trouvé refuge pour échapper à la pluie, on ne s’entend plus.

 

Si les lycéens franciliens sont loin de passer inaperçus cette année, c’est aussi parce qu’ils sont particulièrement nombreux : 13 500 participants, soit 50 % de plus que la dernière édition en 2023. Un record absolu depuis la création du Fraternel en 1908. De mémoire d’organisateurs, Jean-Michel Dupont et Marguerite Niel n’avaient jamais vu ça. « Cette année, nous avons dû bloquer les inscriptions et laisser des jeunes sur le carreau, regrette Marguerite Niel. Nous étions limités à la capacité de la basilique souterraine Saint-Pie-X, où ont lieu les temps en groupe. » Surpris par la vague d’inscriptions, les organisateurs ont dû s’organiser en catastrophe pour adapter le nombre de cars de pèlerins, l’hébergement…

 

Le rôle des réseaux

 

Ce succès s’inscrit dans le lot de surprises que les jeunes réservent à l’Église, avec la forte hausse du nombre de catéchumènes, et l’affluence à la messe du mercredi des Cendres. Si la communication du Frat a fonctionné comme d’habitude, par le bouche-à-oreille et les réseaux d’aumôneries et d’établissements catholiques, un autre facteur a joué : les réseaux sociaux. Depuis janvier, Keytia, Shewal et leurs amies, de la paroisse Saint-Martin d’Orly (Val-de-Marne), l’assurent : elles sont inondées de vidéos parlant du Frat sur TikTok.

 

« Beaucoup de jeunes postent sur le Frat, de ce qu’ils y font, d’autres regrettent de ne pas avoir pu y aller… » Sur TikTok, chaque temps fort de l’année entraîne son lot de vidéos, boostées par l’algorithme : le mercredi des Cendres, le Carême, Pâques, le Frat. « En ce moment j’ai beaucoup de contenus pour la Marche pour Jésus qui a lieu en mai, tout le monde en parle », explique Shewal. Pour la jeune fille de 17 ans, le réseau social chinois a même fait partie de son chemin de conversion. « J’ai demandé à Dieu de se révéler à moi, et Il l’a fait par TikTok. »

 

Mgr Dominique Blanchet, évêque de Créteil, n’est pas vraiment surpris. Dans les lettres que lui envoient les catéchumènes et les confirmands, les réseaux sociaux reviennent de plus en plus souvent : « Le numérique fait souvent office de premier pas. » Les réseaux trouvent un relais dans les lycées, les aumôneries, les amis, aussi. « Il y a une façon très directe de parler de la foi sur les réseaux qui s’est diffusée chez les jeunes entre eux, explique Mgr Blanchet. On le sent quand ils s’adressent à nous. Leurs questions sont cash : ’’Pourquoi on fait le Carême ? Comment je m’y prends ?’’ On se le dit entre évêques, ils nous donnent la patate ! »

 

À force de discuter avec des jeunes, le père Gaultier de Chaillé, prêtre responsable du Frat de Lourdes, commence à décrypter cette tendance. « Il y a pour beaucoup un phénomène de décrochage de la transmission religieuse familiale, explique-t-il. Les jeunes arrivent à un moment où ils se saisissent eux-mêmes de la question de la foi. » Sur les réseaux et dans la vie, ces jeunes se heurtent alors à la foi décomplexée des musulmans, plus zélés. « L’islam produit le réveil chrétien, assure le prêtre. Il force les jeunes à se demander, en miroir ’’moi je ne suis pas musulman, alors qui suis-je ?’’. » Matylda, 17 ans, est en terminale dans un lycée public du 20e arrondissement de Paris. Avec ses amies musulmanes, la question de Dieu revient souvent. « Il n’y a aucun tabou, on en parle sans chercher à se convertir », explique-t-elle, un bandana « 100 % Jésus » autour du cou.

 

Pour les jeunes ne pouvant pas parler de foi avec leurs amis, TikTok fait aussi effet de communauté de soutien. « Dans ma classe on n’est que cinq catholiques, raconte Timothée, élève d’un lycée catholique de Franconville (Val-d’Oise). Alors quand on tombe sur des vidéos de chrétiens grâce à l’algorithme, on ne se sent pas seuls. »


Les sensibilités au second plan

 

Cette manière décomplexée de vivre sa foi s’inscrit dans un contexte de redéfinition des pratiques chez les jeunes. Pas toujours assidue à la messe, cette génération n’en est pas moins pratiquante. Dans un groupe d’une trentaine de jeunes d’Argenteuil (Val-d’Oise), un tiers seulement va à la messe chaque dimanche mais deux tiers prient tous les jours, un tiers lit la Bible quotidiennement et tous ont fait le Carême. « Le critère de la messe pour mesurer la pratique est devenu caduc », confirme le père Gaultier de Chaillé.

 

Les questions politiques ou de différentes sensibilités dans l’Église passent alors au second plan. « Tradi, charismatiques ou autres, ils s’en moquent, ils veulent juste la foi », résume le père Gaspard Craplet, lui-même très présent sur les réseaux sociaux. Dans la vie comme sur Internet, les jeunes affichent davantage leur appartenance. « Ils mettent une croix dans leur profil public et ils se fichent de savoir si c’est un réflexe identitaire, c’est juste un partage sincère et gratuit de ce qu’ils sont et de ce qu’ils portent au fond d’eux », explique le père de Chaillé, conscient du risque que peuvent représenter les réseaux.

 

Le risque du rigorisme

 

Car sur TikTok, bien souvent, les utilisateurs défendant un certain rigorisme ainsi que les contenus réduisant la foi à des questions de permis-défendu ne sont pas rares. « Mais, cela reste un bon outil pédagogique pour répondre à leurs questions dans l’immédiat », estime le prêtre responsable du Frat. À condition que ces réseaux restent le premier pas et que les jeunes soient ensuite accompagnés par une aumônerie ou une paroisse. Un vrai défi, qui se pose tant pour les catéchumènes une fois baptisés, ou pour les jeunes rentrés chez eux après le Frat. « En paroisse et dans les diocèses, nous ne devons pas seulement laisser de la place aux jeunes, mais de l’espace pour les accueillir », insiste Mgr Dominique Blanchet.

 

Ce zèle forme en tout cas une génération en demande sur le plan spirituel. « Lors de la dernière édition, nous avons hésité à organiser une procession eucharistique, et nous avons fini par le faire, explique Marguerite Niel. Les jeunes sont pleinement rentrés dedans. » Cette année encore, dans la basilique souterraine Saint-Pie-X, seuls quelques toussotements et le bruit des talkies-walkies du service sécurité sont venus troubler le silence des 13 500 jeunes pendant l’adoration.

 

Le Frat, pèlerinage populaire, continue d’être un élément marqueur de la foi des jeunes. Christ, 18 ans, vit son deuxième Frat de Lourdes. Il garde au cœur le souvenir de sa première expérience en 2023, où il s’était inscrit un peu par hasard. « Pendant la veillée, j’ai senti la présence de Dieu », explique-t-il, pudique. En rentrant de Lourdes, il s’inscrit au catéchuménat. Il sera baptisé lors de la vigile pascale, dans sa paroisse du 20e arrondissement de Paris.

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