L'EXPRESS : "EN QUETE DE SENS ET SANS COMPLEXE, AINSI SONT-ILS LES SEMINARISTES"
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Lourdes - Ils sont en pleine lumière ce week-end à Lourdes : les séminaristes parlent avec "joie" de leur choix de devenir prêtres dans une société sécularisée, une quête de sens dans laquelle ils n'avancent pas "tête baissée".
Leur nombre en légère croissance est une éclaircie pour l'Eglise de France par temps de crise des vocations. Environ 850 jeunes hommes se préparent à la prêtrise dans la trentaine de séminaires français, dont 138 en première année, contre 116 l'an passé. "Une tendance au frémissement", note prudemment Mgr Jean-Luc Bouilleret, président de la Commission épiscopale pour les ministres ordonnés.
Samedi, 750 d'entre eux sont accueillis à Lourdes pour un pèlerinage inédit sous cette forme. Le choix du lieu ne doit rien au hasard: la fréquentation du sanctuaire marial des Hautes-Pyrénées "a été un déclic dans beaucoup de cheminements", souligne le père Jean-Michel Amouriaux, secrétaire du Conseil national des grands séminaires.
Ainsi de Louis Chasseriau, 32 ans. "C'est bien à Lourdes que s'est mis en place le +oui+ à l'appel que je ressentais", explique le jeune homme, qui se forme entre les murs chargés d'histoire du séminaire des Carmes, lié à l'Institut catholique de Paris. Lui a été notaire pendant sept ans avant d'envisager une vie de prêtre dans son diocèse de La Rochelle et Saintes. "Certains m'ont pris pour un fou", s'amuse-t-il, soulignant au contraire les vertus du séminaire: "Je n'ai plus la tête dans le guidon comme avant, je peux me poser des questions fondamentales, déployer ma vie spirituelle". Et les contraintes du ministère sacerdotal ne sont à ses yeux pas forcément celles auxquelles on pense. "On se focalise sur le célibat mais, pour moi, l'enjeu de l'obéissance à l'évêque est peut-être une plus grande difficulté".
- Avoir "l'odeur de ses brebis" -
Séminariste aux Carmes lui aussi, Anthony Chopard, 26 ans, issu d'une famille catholique éloignée de la pratique, évoque avec ferveur son espoir de "devenir un homme totalement donné aux autres". "Le pape François dit que le pasteur doit être pénétré de +l'odeur de ses brebis+: je me reconnais totalement là-dedans", confie-t-il.
Lui et ses condisciples trouvent que le regard de la société a changé sur les séminaristes, perçus avec davantage de bienveillance que par le passé. "Les gens sont sensibles au souhait de donner du sens aux choses et à sa vie", analyse Anthony. Et "ce qui rassure beaucoup nos proches et nos amis, c'est qu'on ne fonce pas tête baissée".
Durant ses sept à huit ans de formation, le futur prêtre a en effet le temps de mener un discernement sur son cheminement, en compagnie d'un directeur spirituel. "On a coutume de dire qu'on peut dire non jusqu'à la veille de l'ordination. Comme pour un mariage finalement", relève Alexandre Coustham, 23 ans.
Et, de l'avis général, sept années de séminaire ne sont pas de trop. "Cela paraît long, mais en fait c'est très rapide", juge Cyrille Delort, qui devrait être ordonné prêtre en 2015. Il est déjà diacre, en col romain, à l'image d'une "jeune génération complètement décomplexée" et soucieuse d'une "visibilité que l'Eglise n'a pas beaucoup dans le monde actuel".
Cette visibilité, la communauté Saint-Martin en a fait, et de manière plus poussée, une de ses caractéristiques, avec des séminaristes chantant la liturgie en latin, encadrés par des prêtres en soutane. Le succès est notable: 26 séminaristes en première année, 95 en tout. Louis-Hervé Guiny, le responsable de ce séminaire basé à Evron en Mayenne, ne s'enflamme pas, tout en y voyant une "attirance" pour une "volonté missionnaire d'annoncer clairement l'Evangile".
Ici comme aux Carmes, on est loin des séminaristes de la série télé "Ainsi soient-ils" d'Arte, même si certains futurs prêtres, qui en ont vu quelques épisodes, jugent cette fiction bien ficelée. "Il leur manque l'essentiel", tranche Cyrille. "La joie", complète Anthony.
L'Express