MGR DUFOUR : LA MARCHE, UNE PRIERE SILENCIEUSE
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Évêque pèlerin de 67 ans, Mgr Christophe Dufour a chaussé, chausse et chaussera toujours les « godillots » quand l’occasion se présente, du mont Sinaï au désert du Hoggar en passant par la région d’Aix-en-Provence, où il a été nommé en octobre 2008.
« Mon médecin me dit que la marche est le meilleur des sports. C’est vrai, la marche me fait éprouver le plaisir du corps, même dans l’effort et les intempéries. C’est l’acte de volonté intérieure qui m’élance et me fait mettre un pied devant l’autre.
Saint Bernard disait que marcher dans les bois était sa plus belle prière. Une prière qui ne se force pas. Une prière sans mots qui se déroule dans la présence de Dieu. Les cailloux que je foule, le rocher sur lequel je m’appuie : tous ces éléments sont remplis de la présence de Dieu. La foi me dit que si Dieu est tout-puissant, il est toutpuissant par sa présence. Il remplit tout.
Lorsque je marche au milieu de la nature, j’ouvre grand mes yeux, mon cœur et mes oreilles pour me laisser remplir de la création de Dieu. Et je prie pour que les creux de l’humanité soient remplis.
Il y a quelque temps, je suis parti marcher dans le désert de Tamanrasset, dans l’extrême sud de l’Algérie, au cœur des chaînes montagneuses du Hoggar. Seul, pendant un mois, à 2 700 mètres d’altitude. Cette expérience m’a marqué pour la vie. C’était un retour au désert intérieur. J’ai ce besoin de solitude et de silence permanent pour mieux me remplir de la présence de Dieu.
La marche me fait aussi prendre conscience du génie du Créateur. Dieu n’a pas fait le travail industriel à la chaîne tel qu’on le voit aujourd’hui : pas une montagne ne ressemble à une autre. Pas un homme ne ressemble à son voisin. Depuis mon arrivée dans le diocèse d’Aix et Arles, je marche.
J’arpente les villages, la ville d’Aix, la montagne Sainte-Victoire. Je prends le temps de contempler et je me laisse émerveiller. La Provence est saisissante, avec ses lumières, ses paysages extraordinaires. Nous sommes souvent près de l’eau dans cette région : sur les canots, au bord des lacs et des petites rivières. Marcher dans une région, c’est aussi s’imprégner de son histoire. Cela nourrit ma prière pour un peuple.
Le chapitre 10 de la Lettre aux Hébreux rappelle bien la condition des chrétiens sur la Terre, lorsqu’Abraham partit, espérant contre toute espérance, à la recherche d’une patrie. Ma quête profonde, c’est la présence de Dieu. Je ne cesserai donc jamais de marcher. »
Mgr Christophe Dufour, archevêque d’Aix et Arles et auteur de « Les Marcheurs de Dieu » Éditions Les Presses d’Île-de-France.
(La Croix 27/7/2014)