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TEMOIGNAGE D'UN AUMONIER MILITAIRE PRES DE VERDUN LE 13 AVRIL 1916

  • PAROISSE DE MARTIGUES

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      Témoignage lu par le Père Benoît Delabre, lors de la messe du 23 novembre, en l'église Saint Louis d'Anjou


      L’aumônier CHEVALIER annonce à Madame POCHET la mort de son mari, le caporal Robert POCHET, tombé au champ d’honneur le 13 avril 1916, près de Verdun. (extraits de cette lettre)
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Le jeudi 13 Avril, vers huit heures du soir, je partais au fort de Tavannes dans le but de porter la sainte communion à plusieurs soldats du 2° bataillon qui étaient privés depuis assez longtemps de ce grand réconfort.
Lorsque j'arrivai au ravin du bois Fumin je rencontrai des brancardiers affairés qui en me voyant s'écrièrent: «... le Caporal Pochet est pris sous un éboulement, il va mourir et vous demande.››

 

On m'indique l’emplacement et je trouve en effet votre cher mari étendu sur le dos... le tronc avait été dégagé mais les jambes broyées restaient prises dans la terre qui se mêlait à son sang... le médecin avait examiné son état et avait déclaré inutile de le torturer davantage puisque la mort était certaine dans un espace de temps plus ou moins long. Aussi les brancardiers s'étaient retirés laissant le blessé seul avec un séminariste infirmier, qui se disposait à le préparer au grand sacrifice.

 

C'est sur ces entrefaites que j'arrivai. Ma présence fit rayonner de joie la pauvre victime qui se soulevant sur son séant me cria : « Ah ! Voilà le miracle de Sœur Thérèse !... Que je suis heureux de vous voir !... Allez-vous me donner le Bon Dieu ?...›› Puis il me demanda de l’embrasser, ce que je fis en lui répondant que j'avais en effet le Bon Dieu sur moi, qu'il était vraiment providentiel que je sois venu à cette heure juste à point pour lui donner le Saint Viatique avec la force de supporter les souffrances qu'il devait endurer.

 

Il voulut voir dans cette circonstance une grâce tout-à-fait spéciale obtenue par l’intercession de Sœur Thérèse qu'il priait souvent. M'agenouillant entre lui et le cadavre du camarade écrasé sous le même abri, je lui déposai le Saint-Sacrement sur la poitrine comme sur un autel vivant... - Je l'exhortai alors à offrir toutes ses souffrances pour la France, sa famille, ses camarades, à accepter la mort avec une parfaite résignation... et je lui donnai enfin le corps de Notre-Seigneur. Autour de lui communièrent deux séminaristes et un sergent de ses amis...

 

Robert, la tête appuyée sur mon genou, les mains crispées autour des miennes, poursuivait son action de grâces au milieu des plus horribles souffrances et me demandait de temps en temps « Mon père, est-ce que ce sera long ? J'ai peur d'avoir trop à souffrir !... » - « Non, ce ne sera pas bien long, mon petit... Puis tout retombait dans le silence. Je voulus faire réciter le chapelet autour de lui par ses amis mais il m'arrêta et me dit: « Mon Père ce n'est pas la peine ; je vais paraître face à face devant Dieu tout à l’heure, je préfère le silence ! » Je respectai ce silence.

 

« Avez-vous quelque chose à faire dire à votre femme ?... » - « J'ai déjà tout réglé, me dit-il » - « Je lui écrirai votre mort ajoutai-je, et je lui dirai que vous avez pensé à elle et à vos enfants pendant ces heures pénibles ». - « Oui, consolez-là, consolez aussi ma pauvre maman... » ...

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