TOUT EST GRACE, DIEU POURVOIT EN TOUTE CHOSE
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Aujourd’hui, sans détour, le Christ appelle à un engagement exclusif des disciples au service de Dieu. Pour se mettre à la suite du Christ, il convient, comme le dit Jésus, de se dégager de l’accessoire, du superflu, et de faire entrer notre vie dans le rejet de toute inquiétude : « pourquoi se faire tant de souci ? » « d'ailleurs, qui d'entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ? ».
Pour éclairer cette attitude de confiance, reprenons cette phrase d’Abraham « Dieu pourvoira », Dieu donnera. Cela s’appelle la confiance, la foi en la Providence de Dieu.
Et j’aimerais maintenant vous en parler de cette Providence divine. J’ai beaucoup pensé et prié, pour savoir si cela convenait d’en parler, si cela n’allait pas trop vous heurter, faire remonter en vous des souvenirs trop douloureux... et puis, après avoir prié et réfléchit, j’ai décidé de vous parler de cette Providence, de ce mystère qui se résume dans cette phrase de Sainte Thérèse de Lisieux : « Tout est grâce ».
« Tout est grâce » : dès lors que je prononce ce qui est une vérité de la foi remonte en moi des interrogations, et en vous aussi sans aucun doute... si tout est grâce, pourquoi tel malheur m’a frappé ?, pourquoi telle souffrance, telle maladie, telle injustice ? où est la grâce de Dieu dans la mort, dans les détresses, dans les conflits ?
Lorsqu’en homélie je dis « Tout est grâce », je le crois profondément, même s’il y a en moi des résistances, bien sûr... et, soyons clair, je connais la vie de certains, de certaines, et il me serait impossible de leur dire en face la même chose, en sachant ce qu’il ou elle a vécu. Mais il me faut vous le dire, à tous, c’est comme une nécessité, j’ai vraiment le sentiment aujourd’hui que Dieu m’a inspiré de vous le dire, comme une parole de grâce, de vérité, de réconfort, comme une lumière dans la nuit de nos morts.
Dire que tout est grâce, que Dieu pourvoit en toute chose, ce n’est pas nier la souffrance, ce n’est pas dire que notre souffrance ou celle des autres a un sens, c’est de dire que de tout mal, Dieu peut faire fleurir un bien. Dieu ne veut pas le mal, mais il s’en sert pour y greffer son bien. Comme dit saint Paul, « Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui L’aiment » (Rm 8, 28). Car la Providence divine, ce n’est pas Sainte Thérèse qui l’a inventé, c’est un mystère présent dans toute l’écriture. Ainsi, dans le livre de la Genèse, Joseph dit à ses frères qui ont cherché à le tuer : « Vous aviez voulu me faire du mal, Dieu a voulu le changer en bien, afin d’accomplir ce qui se réalise aujourd’hui » (Gn 50, 20).
Croire à la Providence, qui est un autre nom de Dieu, c’est croire que Dieu a horreur du mal, mais qu’il va se servir du mal pour un bien supérieur. Le mal n’en devient pas pour autant un bien... mais Dieu fait le fleurir. La Croix est un arbre mort duquel nous recevons la vie de Dieu, c’est cela la Providence : de la mort jaillit la vie. Mystérieuse fécondité. Nous en faisons tous l’expérience, nous sommes assez souvent confrontés à un Dieu caché : mais où es-tu lorsque je souffre ? mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Comme l’écrit le Père Descouvemont, dont je vous parlerai plus tard, « Dieu traverse l’histoire incognito. Il la conduit avec une force irrésistible, sans que l’œil saisisse sa présence. Présent, il paraît absent. Tout-puissant, Il paraît impuissant, tant les forces du mal semblent l’emporter. Il est pourtant bien là. » Tout est grâce, découvrir Dieu en toute chose... c’est cette totalité qui nous dépasse, qui rend si difficile notre foi en la Providence.
S’abandonner à la Providence, à la volonté de Dieu, ce n’est pas facile, bien sûr... et heureusement d’ailleurs, sinon cela voudrait dire que l’horizon de Dieu nous pouvons le saisir facilement et le « déformer » à mesure de notre volonté ! Le mystère de Dieu, le mystère de ce bien qui naît de nos plus profondes blessures nous ne le saisirons qu’au Ciel, lorsque nous aurons assez de recul pour voir ce qu’il y avait de vie dans telle mort, dans telle souffrance. Mais ce n’est pas parce que nous ne le saurons totalement qu’au Ciel qu’il faut attendre stoïquement d’y être ou qu’il faille se désespérer de ne pas comprendre.
Le mystère de la Providence est un mystère dans lequel nous pouvons entrer petit à petit. Il n’est pas facile de discerner la Providence, aussi je vous propose 4 sortes de litanies : faire la liste des personnes que Dieu a mises sur ma route et qui m’ont aimé, m’ont donné confiance en moi-même, m’ont aider à retrouver de l’élan ; faire une liste des talents que j’ai reçus : santé, don, qualité du cœur et de l’esprit ; faire une liste des événements qui me sont arrivés : accidents évités, pèlerinages auxquels j’ai participé ; faire une liste des grâces surnaturelles que j’ai reçu : la foi, le désir de l’approfondir, la grâce de reconnaître mes fautes et d’en recevoir le pardon...
En regardant lucidement notre vie, nous pourrons y voir la Providence à l’œuvre... pas pour tout, pas en tout (il reste des zones béantes dans nos vies ou dans le monde...), car tout ne nous est pas accessible aujourd’hui même si tout contient la force de la résurrection du Christ. C’est un grand mystère, inacceptable sans la grâce, c’est une soumission qui dépasse nos forces : d’ailleurs nous disons « Unis dans la même Esprit, nous pouvons dire avec confiance »... ce n’est que par une grâce toute spéciale de l’Esprit que nous pouvons dire véritablement Notre Père, c’est-à-dire nous confier à lui : Abba, Papa !
Croire en la Providence est une soumission qui dépasse nos forces, mais qui s’inscrit dans celle du Christ, c’est une soumission progressive, et offerte à tous !... une grâce offerte aux humbles, aux pauvres, à ceux qui ont le cœur suffisamment libérés pour y accueillir l’Esprit de Dieu.
Croire en la Providence ce n’est pas croire en un destin, froid, implacable, un plan de Dieu qui fonctionnerait sans nous. Les saints les plus « abandonnés » à la volonté de Dieu sont ceux qui ont été le plus « militants » pour combattre le mal et de faire le bien de toutes les manières possibles.
J’ai voulu soulever avec vous le mystère de la vérité de Dieu, qui ne sera totalement soulevé que lorsque nous verrons Dieu face à face. Dieu a va se donner à nous, il va donner son Corps, fruit de la Croix, nourriture pour nous nourrir du mystère de Dieu. Il est grand le mystère de notre foi en ce Bon Dieu.
Thomas Poussier
PS Pour approfondir ce sujet, lire « Peut-on croire à la Providence ? » de Pierre Descouvemont, dans lequel j’ai beaucoup puisé.