NOUS SOMMES INVITES AUJOURD'HUI A CHANGER NOTRE REGARD SUR DIEU
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Homélie du deuxième dimanche de Carême
Dimanche dernier, nous sommes restés au désert avec Jésus, tenté par Satan au milieu des bêtes sauvages et servi par les Anges et puis nous sommes partis en Galilée proclamer la Bonne Nouvelle. Aujourd’hui deuxième dimanche de carême, nous prenons la direction du sud, celle de Jérusalem.
A notre époque, il est fréquent de faire un arrêt dans le petit village bédouin de Kvar Tavor. Là nous rejoignons des centaines de pèlerins de tous âges et de toutes nationalités qui attendent patiemment une place dans un des taxis conduit par les ex-éleveurs nomades pour monter au Mont Thabor, le mont de la Transfiguration.
Nous cherchons, après plus de 2000 ans, à faire partie du petit groupe appelé par Jésus. Nous souhaitons, à la suite de Pierre, Jacques et Jean découvrir ce Jésus transfiguré qui devise avec Moïse et Elie et dont la vision apaisera nos doutes, nos craintes.
Au moment de la redescente, nous caressons aussi l’envie de suivre Pierre dans son idée d’arrêter le temps, de planter notre tente dans ce lieu privilégié pour oublier notre vie et sa finitude. Nous connaissons pourtant la fin de ce récit, il faut quitter Moïse et Elie, redescendre en compagnie de Jésus et de ses 3 disciples, et attendre, comme l’ont fait Pierre, Jacques et Jean, la Résurrection sans savoir très bien en quoi cela consiste.
Nous ne pouvons faire l’économie du passage – Jésus est mort avant de ressusciter le 3ème jour. Ce récit de la Transfiguration doit aider chacun de nous, pour vivre un vrai temps de Carême, à affermir la conscience du Dieu en qui il a mis sa foi.
Nous disons dans la prière que Jésus nous a laissée : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Sommes-nous persuadés que cette volonté de Dieu à notre égard est bonne, que Dieu ne veut que notre bien, que Dieu a un projet bienfaisant pour chacun de nous ?
Ne sommes-nous pas plutôt comme Abraham qui pense que Dieu veut lui reprendre la vie de son fils. Le Dieu qui l’a conduit, pas à pas, à accepter l’idée que l’enfant de la promesse, Isaac, pouvait venir de la vieille Saraïe et du vieux Abram. Abraham pense que ce même Dieu peut lui demander le sacrifice sanglant de son fils. Il me l’a donné, il me le reprend, il est à lui, mais si c’est bien le sacrifice de la vie d’Isaac qui est demandé, Dieu serait alors pervers. En fait, ce que Dieu veut montrer à Abraham c’est que ce fils n’est pas pour lui. Abraham et Sarah voulaient un enfant, ils lui ont donné le nom d’Isaac, l’enfant du rire. Dieu, lui, voulait Isaac, don confié à ses parents. Il voulait Isaac pour le bien de toutes les nations, pour qu’il poursuive la révélation de la promesse.
Abraham avait une grande foi, une grande confiance en Dieu mais cette foi avait besoin d’être corrigée comme une paire de lunettes corrige la vue.
Notre psaume, qui est un psaume du soir de la Pâque (hallel), nous enlève tout doute sur les intentions de Dieu : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens ».
Un autre éclairage sur notre Dieu est celui de Saint Paul dans sa lettre aux Romains, dans sa longue contemplation émerveillée, Paul dit : « Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? » Les jugements de Dieu ne peuvent être que « non-lieu », puisqu’il est allé « jusqu’à nous donner son propre Fils » qui est une issue toujours ouverte pour nous. Cette porte nous sort de l’idolâtrie, de la fausse interprétation de la loi et nous invite à poursuivre notre chemin, notre mission, accompagnés par l’Esprit.
Malgré tout, ils avaient bien de la chance Pierre, Jacques et Jean d’avoir été choisis par Jésus pour le voir transfiguré avec Moïse et Elie ! Ils avaient été subjugués par la vision, apeurés par la nuée. Avaient-ils écouté la Parole du Père : « Celui-ci est mon Fils bien aimé – écoutez le ? ». Sans doute pas ! Jacques et Jean, juste après ce récit vont demander à occuper les meilleures places. Tous trois seront incapables de veiller quelques heures à la demande de Jésus à Gethsémani et Pierre reniera trois fois son maître.
"Convertissez-vous et croyez", ce sont les mots qui ont ouvert notre Carême : nous sommes invités, aujourd’hui, à changer notre regard sur Dieu.
Dieu nous a aimés le premier. Il nous a voulu et nous accepte tel que nous sommes. C’est lui qui a l’initiative. Il nous veut libres et délivrés de toute peur. Il nous appelle mais ne fait rien sans nous. Dieu dit « oui » à ma personne, à mon existence, ma réponse ne peut-être un exposé de mes mérites mais la fidélité et la confiance en son amour.
Pensons, durant nos temps de rencontres avec Dieu, à ouvrir nos mains en même temps que nos cœurs afin qu’Il puisse enlever tout ce qui nous enferme, nous isole et y déposer tout ce qui nous ouvre à cette grâce unique que nous avons reçue, pour la communiquer à tous ceux que nous rencontrons.
Pierre Laurent