MÊME PAS PEUR
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Nous avons admiré la réaction des Catalans face aux attentats qui ont frappé et tué à Barcelone. Le terrorisme sème la peur. Toute une nation s’est mobilisée pour dire ensemble : « Nous n’avons pas peur ». Le message est puissant, mais suffit-il ? En ce temps de rentrée, les leçons de cet évènement de l’été peuvent nous inspirer pour orienter nos gestes, nos paroles et nos engagements pour cette année. J’en vois deux : la force de la communion et la conversion.
Il est frappant de voir comment, dans l’épreuve, les clivages de la société sont soudain transcendés, les brisures réparées. Une sorte de miracle : l’épreuve suscite la communion. Ceci mérite d’être médité. La communion guérit la peur, la communion ressuscite la confiance, la communion révèle le meilleur dans le pire, l’immense ressource d’amour du cœur humain brille dans les ténèbres. Magnifique !
Mais la communion peut n’être que grégaire, momentanée ou de façade, comme tant de comportements dictés par la mode et les refrains médiatiques. La communion véritable passe par une conversion. Comment être en communion si on n’a pas une vision commune, un sens commun, une direction ? La peur qui habite les esprits aujourd’hui est sans doute mauvaise conseillère et doit être soignée. Mais elle est aussi l’intuition que quelque chose ne tourne pas rond dans notre société. Beaucoup reconnaissent ou sentent intuitivement l’évidence d’une crise de la société en France et en Europe. Mais quand la crise devient un état, de décennie en décennie, alors écrit un auteur, « il ne s’agit plus d’une crise, mais d’une décadence ». Au fond, les terroristes révèlent notre fragilité.
D’où nous viendra la force d’âme qui nous fera remonter la pente ?
« C’est le moment » aime à dire le pape François. « Un moment catholique », écrit Jean-Luc Marion dans un petit essai où il invite les catholiques à « mettre en jeu leur âme dans la communauté française pour donner une communion à cette communauté ». Et citant Bernanos, il ajoute : « Catholiques français, ne permettez pas qu’on vous accuse un jour d’avoir pratiqué la politique du moindre bien ». « Un saint fait plus de bien que 10 000 jésuites », disait le père Aruppe dans la tempête.
Seuls les saints pourront dire en vérité : « Même pas peur ! »
+ Christophe DUFOUR, archevêque d’Aix-en-Provence et Arles