PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC

« C'est un beau roman, c'est une belle histoire, c'est une romance d'aujourd'hui. Ils s'étaient croisés là-bas près de Sykar, près du puits et il était midi… » L'histoire commence comme on pourrait faire commencer une belle comédie romantique, avec un homme et une femme qui se rencontrent, de manière inattendue.

C'est vrai que c'est une belle histoire, avec le bel et profond amour que le Christ va donner à cette femme, la Samaritaine. Transportée par cet amour, toute aimée de Dieu, elle va être complètement transformée.

Cette histoire de rencontre entre le Christ et la Samaritaine, est longue, elle n’est pas simple, un peu comme nos vies il faut bien reconnaître. Si je vous demandais, à l’un ou à l’autre, de me raconter votre vie, vous commenceriez par me dire « oh, ça va prendre un petit peu de temps ! J'ai tant de choses à dire sur ce qu’a été et sur ce qu’est ma vie, ma vie avec ses joies et ses grâces, ses lumières, et ma vie avec ses difficultés, avec mes défauts, mes erreurs… »

Nos vies sont complexes, contrastées. D’ailleurs, quel écart dans le cœur de cette femme entre ce qu'elle cherche et ce qu'elle vit vraiment. Évidemment, ça devrait commencer à vous parler, tellement dans chacune de nos vies, il y a un espace entre ce que l'on désire notre cœur et ce que l'on vit réellement.

La Samaritaine cherche quelque chose d'absolu, de définitif, elle cherche des certitudes : qui croire ? qui adorer ? qui aimer ? Et pourtant, elle semble bien fragile dans sa vie, elle qui a eu cinq maris, et qui vit avec un homme qui n'est pas son mari actuellement. Le Christ vient la rejoindre dans cet imbroglio intérieur, pas d’abord en lui demandant de remettre sa vie en ordre, mais d’abord en s’intéressant à ce qu’elle vit, et en l’invitant à ne pas en rester là, à aller plus loin, à son rythme. Quelle belle délicatesse, quelle tendresse de Jésus pour cette femme et pour chacune de nos vies. D’abord accueillir et parler, puis, ensuite seulement, inviter à la conversion. Si nous pouvions nous en inspirer dans notre manière d’aborder les gens, sans d’abord juger ou les mettre dans des catégories a priori.

A travers son histoire sentimentale tumultueuse, la femme de Samarie pose plusieurs questions. Oui bien sûr elle a vécu des infidélités, en passant d'un homme à l'autre, mais nous, mais moi, comment est-ce que je suis fidèle dans ma vie ? Comment suis-je fidèle à ce que je suis ? Comment suis-je fidèle aux personnes avec qui je m'engage ? Comment est-ce que je suis fidèle à Dieu ? Comment est-ce que je vis dans ma vie la fidélité, la foi, la confiance, trois mots différents pour dire une même réalité, quelque chose qui est stable, quelque chose qui dure. Au cœur du Carême, il est bon de s'interroger sur notre rapport à la fidélité, et de notre rapport à nos infidélités aussi… Les infidélités, toutes ces occasions que nous saisissons, parfois un peu malgré nous, en prenant de la distance avec nos engagements, en prenant la distance avec ceux que l'on aime…

À travers cette question de fidélité et d’infidélité, une autre question pointe : qu'est-ce que je cherche vraiment ? Et ce que je suis comme cette femme, avide de recevoir l'eau vive que le Christ lui propose ? Ou bien est-ce que, d'une manière ou d'une autre, je préfère l’eau croupie ? Oh, bien sûr, si je vous le demandais en tête-à-tête, vous me diriez « non, je rejette le mal et je choisis le bien ». Tout homme et toute femme censés parlerait ainsi, mais si on regarde notre vie, les choses semblent bien moins claires… Nous faisons le mal que nous ne voudrions pas faire, et nous ne faisons pas le bien que nous pourrions faire !

Aussi, il est bon pour nous d'entendre ce récit, cette question du Christ dans notre cœur : qu'est-ce que tu cherches ? De quelle manière cherches-tu l’eau vive ? Parmi nous il y a des catéchumènes, des futurs baptisés, qui ont soif, une grande soif même de recevoir le baptême, cette eau vive intérieure que rien ne pourra tarir… Il est bon pour nous, vieux baptisés, d'être enseignés par eux, de nous laisser interpeler par la démarche de ces hommes de ces femmes qui veulent changer quelque chose à leur vie ! Et moi, que changer dans ma vie pour qu’il y ait en elle plus de bien, de bon, de beau et de vrai ?

Car c’est bien ce que fait comprendre Jésus à la femme de Samarie : il s'agit bien de cela, de se laisser changer, de demander à Dieu que quelque chose change, du mal vers le bien, de l'imparfait vers le parfait, de l'eau croupie vers l’eau vive, du provisoire vers le définitif et vers l'absolu !

Le Carême est un temps pour creuser cette soif d'avoir une vie en nous, et tout à l'heure, lorsque les catéchumènes vont vivre le scrutin, c'est-à-dire qu'ils vont être scrutés par l'Esprit de Dieu, il est bon que je m’entende pour moi les paroles prononcées sur ses catéchumènes. Dans un premier temps, est-ce que je veux bien accepter d’être scrutés par Dieu ? Est-ce que je veux accueillir ce regard bienveillant et optimiste de Dieu sur moi ?  

Ensuite, est-ce que je veux bien que ce regard de Dieu change quelque chose ou pas dans ma vie ? Est-ce que j’accepte que Dieu me déplace ? La Samaritaine s'était déplacé pour aller au puits, mais elle a surtout vécu un véritable déplacement intérieur, elle s’est laissée déplacer par Dieu, en renonçant à une certaine manière de vivre, de croire, et d'espérer…

Demandons donc au Seigneur, dans cette eucharistie, d'être revivifiés. Demandons la grâce, en ce Carême, notamment par la confession, par le secouement de réconciliation, de renoncer à nos infidélités et de choisir la fidélité, la confiance et la foi ! Demandons à Dieu, pour les catéchumènes comme pour nous, qu’il vienne scruter notre cœur pour nous aider à mieux faire jaillir le vivant qui est en nous. C’est Jésus qui est la vie, la vie en abondance, la vie en plénitude !