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DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES : LE DÉBAT EST OUVERT !

  • PAROISSES DE MARTIGUES ET PORT DE BOUC
Le débat est ouvert : Livre recommandé par le Père Thierry-François lors de son homélie de l’Epiphanie.

 

C’est une question millénaire et qui opposait, en apparence, science et foi : existe-t-il un dieu créateur ? A rebours des idées reçues, les auteurs Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassiess’attachent à y répondre dans Dieu, la science, les preuves.

 

Fruit d’un travail rigoureux de plus de trois ans, cet ouvrage divisé en 24 chapitres indépendants fait appel aux avancées scientifiques les plus récentes. « Tout ce que nous expliquons du point de vue de la science, les spécialistes le savaient déjà, mais chacun dans leur domaine. Nous avons voulu écrire un ouvrage de synthèse à destination du grand public, qui montre que tout converge », résume le polytechnicien et entrepreneur Olivier Bonnassies.

D’une vidéo à 1,5 million de vues à un livre de 600 pages

Non croyant dans sa jeunesse, Olivier Bonnassies trouve dans le livre Y a-t-il une vérité ?, du philosophe Jean Daujat, une première réponse à ses questionnements. L’ouvrage expose les raisons rationnelles de croire en Dieu : « Plus je me renseignais, plus je trouvais des raisons sérieuses de croire », explique le fondateur du site d’actualité chrétienne Aleteia et du Centre international Marie de Nazareth, en Israël. Mais c’est en 2013 qu’il pose la première pierre de ce qui deviendra l’ouvrage de 590 pages à paraître début octobre. Invité par le professeur de philosophie de l’un de ses enfants à présenter les raisons de croire, il en tire une vidéo, « Démonstrations de l’existence de Dieu et raisons de croire chrétiennes », au succès immédiat sur YouTube, et qui cumule aujourd’hui 1,5 million de vues. C’est à ce moment-là que l’ingénieur et industriel Michel-Yves Bolloré, fondateur du groupe France Essor, lui soumet son projet de livre à quatre mains. C’est le début d’un long processus de sélection des thèmes à aborder, de lectures et d’entretiens, avec en ligne de mire la recherche rationnelle de la vérité. « Nous pensions y consacrer un an, le projet nous en a demandé plus de trois », souligne Olivier Bonnassies, pour qui « la question de l’existence de Dieu est devenue intéressante parce qu’elle n’est plus indécidable ».

20 spécialistes, plus de 200 citations

 

Les co-auteurs racontent comment les découvertes scientifiques, qui sont longtemps allées à l’encontre de la foi, peuvent désormais se ranger du côté de l’existence de Dieu dans de nombreux champs du savoir. Ainsi de la question de l’origine de l’Univers, ou du passage de l’inerte au vivant, de l’immense complexité du code génétique et du réglage biologique extrêmement fin nécessaire à la création des protéines, ribosomes et acides aminés, si peu probables qu’ils ne peuvent être dus au hasard. Et les auteurs de citer le généticien français Daniel Cohen - à qui l’on doit la première carte génétique humaine - passé d’athée à agnostique face au « programme écrit dans un langage extraordinairement sophistiqué » qu’est le génome. Einstein, Friedmann, Lemaître, Planck, Gödel, Penrose, Vilenkin, Hawking, Prigogine, Crick, Watson… Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies renforcent leur propos avec plus de 200 citations de savants contemporains. Une vingtaine de scientifiques ont contribué par leurs apports et leurs conseils à la rédaction de ce livre. « Nous avons aussi été relus par de grands scientifiques, des membres de l’Académie des sciences, des chercheurs du CNRS », indique Olivier Bonnassies. Le prix Nobel de physique 1978 Robert Wilson, qui a découvert, avec Arno Penzias, le fonds diffus cosmologique, signe lui la préface du livre : « cet ouvrage offre une perspective particulièrement intéressante sur la science, la cosmologie et leurs implications philosophiques ou religieuses ».

 

Livre disponible à la librairie L’Alinéa à Martigues :

Le débat dans La Croix

À la fois docteur en sciences physiques et docteur en théologie, le Père Thierry Magnin est Président Recteur délégué de l'Université Catholique de Lille, en charge particulièrement des humanités.

 

“Dieu, la science, les preuves” : « Le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un grand horloger »

 

Le théologien et physicien Thierry Magnin donne des clés pour lire le livre de de Michel-Yves Bolloré et Olivier Bonnassies « Dieu, la science, les preuves ».

 

 

Comment lire le livre Dieu, la science, les preuves paru cet hiver ? Son premier mérite, c’est de nous proposer tout un parcours historique pour mettre en lumière le fait que, après la croissance, au cours du XIXe puis au début du XXe siècle, des courants scientistes – selon lesquels la science est la seule source fiable de savoir sur le monde, cette attitude s’est trouvée largement remise en cause et questionnée par l’évolution même des découvertes scientifiques. L’ouvrage passe ainsi en revue toutes ces avancées scientifiques qui ont introduit de la complexité, de l’incomplétude dans la démarche scientifique, que ce soit en thermodynamique, en mécanique quantique, ou encore en science de la nature, ou avec le principe entropique en astrophysique.

 

De par son propre mouvement, chacune des sciences montre que « le fond des choses », le principe premier, lui échappe. Que l’on ne peut donc faire de la science l’origine de tout et l’explication de tout. Le scientisme pur et dur triomphant du début du XXe siècle se trouve mis à mal par toute l’évolution de la recherche scientifique depuis un siècle.

 

Une nouvelle définition de l’objet scientifique

En soi, cela n’a rien de neuf. Ces découvertes étaient déjà connues, depuis déjà les années 1980-2000. On se trouve effectivement désormais devant une nouvelle définition de l’objet scientifique : un objet que l’on n’étudie pas « en soi », mais dans ses relations, ses interactions avec les autres (épistémique), et aussi avec le sujet qui étudie.

 

Dans la complexité d’aujourd’hui, il y a donc de l’incertitude et de l’incomplétude. Mais cela ne signifie pas pour autant que la science est délégitimée, on ne peut pas parler de défaite de la raison scientifique. Simplement, cette incomplétude est devenue la condition même de l’exercice du scientifique. De ce fait, une vision totalement matérialiste est difficile à tenir. En ce sens-là, je suis d’accord avec l’idée, promue par le livre, que les découvertes récentes nous questionnent sur « le fond des choses ».

 

Mais doit-on voir, comme le prétend cet ouvrage, dans cette incomplétude les preuves de l’existence de Dieu ? Non, car on confond alors les domaines. Le principe entropique, dont parle le livre, pose un questionnement. Mais il ne prouve pas qu’il y aurait « derrière les choses » un Dieu qui aurait ajusté les mécanismes de l’Univers et du vivant. Et le Dieu de Jésus-Christ n’est certainement pas un Dieu « grand horloger ».

 

Ne pas confondre les domaines de la science et de la foi

Au fond, ce questionnement de la science actuelle permet de relancer le dialogue entre Foi et science. Mais ce dialogue doit prendre garde à bien articuler ces domaines, et non les confondre. Par exemple, lorsque nous examinons le rapport entre la Création, au sens biblique, et l’évolution, au sens darwinien. Les deux processus ne se situent pas sur le même plan et ne doivent donc pas être confondus.

 

La Création est dans l’ordre de la transcendance. En quelque sorte, tout ce qui est « existe » car Dieu le fait être. Alors que le principe de l’évolution nous apprend que tout ce qui est apparu dans le cours de l’histoire de la vie est le fruit de la transformation de l’énergie et de la matière. Il faut donc parvenir à articuler ces deux actions, sans les confondre. Teilhard de Chardin a une belle expression : « Dieu fait les choses se faire. »Dieu ne prend pas son tournevis. Il donne les conditions pour que les choses se fassent. Surtout, le Dieu de l’Alliance donne une autonomie aux créatures, qui poursuivent la création. Dieu n’est ni le fabricant ni le grand horloger. Il crée par sa Parole, dans un Amour gratuit.

 

Dieu n’est pas un fabricant

Jean-Paul II, dans l’encyclique Fides et ratio, met bien en évidence ces différents niveaux. Il est vrai que l’on peut regretter la tendance de notre société à séparer de manière étanche le domaine de la foi et celui de la science, tendance qui touche d’ailleurs les catholiques eux-mêmes : on est croyant dans l’Église, scientifique dans son laboratoire. C’est faire preuve de fidéisme, et je comprends que le livre veuille lutter contre cela, dans une société qui se méfie du religieux. Mais entre une forme de concordance, qui ramène toute la science à Dieu, et un fidéisme, selon lequel la raison ne nous apprend rien sur la nature vraie des choses, il y a une articulation à faire, dans le respect des différents domaines.

 

En particulier dans le domaine de la théologie : Dieu n’est pas un fabricant. C’est un Dieu de l’Alliance, qui a créé un monde inachevé, que les créatures doivent continuer. Comme le dit joliment Basile de Césarée : « Dieu a permis à l’homme d’entrer dans l’atelier de la création divine. » Mais il est différent d’une sorte d’intelligence supérieure, « d’intelligent design » qui conduirait inéluctablement le paquebot de l’Univers et de l’humanité. Ou plutôt, c’est l’intelligence de l’amour et du don gratuit, qui inspire et attire cette évolution (d’alpha à oméga). C’est tout le risque de la foi, et de la liberté qu’elle nous donne.

 

La science ne prouve pas l’inexistence de Dieu, et en cela, le livre a raison. Mais l’inverse est vrai aussi : la science ne prouve pas plus l’existence de Dieu. D’ailleurs quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi… En revanche, nous devons savoir rendre compte de notre foi avec des arguments rationnels, notre raison, dans le contexte des découvertes scientifiques notamment. Parler de l’intelligence du Dieu créateur. Être croyant n’est pas irrationnel.

 

Recueilli par Isabelle de Gaulmyn

DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES : LE DÉBAT EST OUVERT !
Raphaël Duqué est docteur en astrophysique et astrophysicien des hautes énergies, actuellement en poste à l’université Goethe de Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

 

Des erreurs factuelles

 

Les auteurs rapportent que la cosmologie moderne « implique que l’univers a eu un début », confortant un récit de la Création et l’existence d’un Créateur. C’est faux : la théorie du big bang suggère que l’univers occupe un état toujours plus dense et plus chaud à mesure que l’on remonte le temps, si bien qu’il atteint des régimes de densité et de température où notre compréhension actuelle de la physique ne s’applique plus. Alors, la science cesse d’être prédictive et un quelconque énoncé scientifique à propos d’un commencement ne peut être qu’une extrapolation incertaine. Mais qu’importe, MM. Bolloré et Bonnassies vendent la peau de l’ours : on aurait trouvé le point originel.

 

Mais prouve-t-on vraiment ainsi l’existence de Dieu ? En filigrane, on comprend que les auteurs invoquent l’argument cosmologique : tout mouvement ayant une cause, il faut qu’il y ait un mouvement premier, qui est Dieu. À nouveau, le propos est livré en réduisant l’argument historique à une expression creuse : la science a trouvé le mouvement premier, Dieu est le mouvement premier, par conséquent la science a trouvé Dieu. Mais cette preuve ne peut pas satisfaire les croyants ! Ce grand horloger qui a lancé le big bang et calcule les constantes fondamentales de la physique, est-il le Dieu de miséricorde qui est descendu sur la Terre et a souffert la Passion pour le pardon des péchés ? Évidemment, personne n’y croit.

 

Des impasses spirituelles

 

Certes, penser à l’harmonie de l’univers ou à Dieu comme primum mobile peut conforter les croyants dans leur foi, mais les arguments cosmologique et téléologique sont des impasses spirituelles, ils n’aident pas à avancer sur un chemin de foi dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

 

 

Cette impasse spirituelle en cache en fait une autre, logique cette fois : l’existence de Dieu ne peut pas être un objet de science. Comme nous l’enseigne Karl Popper, ne sont scientifiques que les énoncés qui sont falsifiables, c’est-à-dire que l’apport de nouvelles expériences pourra infirmer. Ainsi avance la science : par falsification et raffinement progressifs de son contenu. Cela exclut de la science, par principe, nombre d’énoncés, dont l’existence de Dieu. Se tourner vers la science pour prouver l’existence de Dieu est donc une double impasse, d’ailleurs bien connue.

 

Dieu est une révélation

 

D’abord, Dieu est une révélation. Ensuite, pour qui veut contempler la vérité, « la foi et la raison sont comme deux ailes », écrit Jean-Paul II dans Fides et ratio, un monument incontournable sur la présente question, et une lacune dans les références de l’ouvrage. En outre, ces ailes ne sont pas étrangères l’une à l’autre. La foi se nourrit de connaissance, en particulier de la connaissance de Dieu par l’étude de la vie du Christ et de ses enseignements, au travers de l’exégèse et de la théologie, qui sont des sciences. Naturellement, les fidèles sont invités à acquérir cette connaissance pour affermir leur foi, comme le suggère l’encyclique Lumen fidei.

 

 

En cherchant à reléguer le matérialisme à l’état de « croyance irrationnelle », MM. Bolloré et Bonnassies se contredisent. Proposer la manifestation de Dieu dans la nature comme preuve de son existence est un matérialisme. Cantonner l’entendement de cette manifestation à la science est pire encore : c’est un matérialisme creux. Leur ouvrage propose un discours scientifico-mystique qui dessert ensemble la science, soudain privée de ses principes et de son objet, et la foi, soudain retirée du domaine du cœur de l’homme.

 

Pourtant, le cœur de l’homme est le lieu de manifestation de Dieu dans sa dimension première, c’est-à-dire spirituelle. La force de l’amour, la joie du pardon, la persistance de la foi et de l’espérance, le bonheur de la charité : s’il doit y avoir prosélytisme, c’est assurément ces mouvements intérieurs qu’il faut chercher à décrire et à susciter. Car si Dieu se manifeste aussi dans la contemplation de la Création, cette dernière, bien que sublime, n’est pas sa seule œuvre.

 

Raphaël Duqué est docteur en astrophysique et astrophysicien des hautes énergies, actuellement en poste à l’université Goethe de Francfort-sur-le-Main (Allemagne).

DIEU, LA SCIENCE, LES PREUVES : LE DÉBAT EST OUVERT !
C
Raison et foi ne s'opposent certes pas comme le rappelait le Pape Jean-Paul II. Mais peut-on faire de Dieu "un objet scientifique" ? La science à elle seule ne saurait donner la foi.
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