MEDITATION : LA PORTE EST ETROITE MAIS ELLE EST OUVERTE
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« Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple… de même, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ces biens ne peut pas être mon disciple. »
Bon, je pense que nous pouvons tous rentrer chez nous, car nous n’en sommes pas là, et donc nous ne pouvons pas être les disciples de Jésus.
Ceci étant, de telles paroles interpellent, c’est le moins que l’on puisse dire. Elles font même un peu frémir, elles sont nettes et sans appel. J’entendais il y a 2 jours à la radio, un homme politique pour qui la religion était, je cite, une « valeur refuge ». Il ne connaît certainement pas ce petit texte que nous venons de lire. Parce que vraiment, après avoir lu ça, et même si on le chante à plusieurs reprises dans les psaumes, on ne peut pas dire immédiatement, que le Seigneur est notre refuge !
Cette radicalité des paroles de Jésus ne sont pas là pour autant pour nous mettre plus bas que terre, pour nous dire que nous n’en faisons jamais assez, que nos vies ne valent rien, que nous ne serons jamais à la hauteur. Sinon cela voudrait dire que nous sommes face un Dieu sadique, qui se plaît à nous voir nous morfondre dans nos limites, nos péchés, nos peurs, nos insuffisances. Je ne puis croire en un dieu tel que cela, je le peux pas donner ma foi en un tel dieu, et je pense que vous non plus ! Un dieu comme cela n’est pas digne de foi.
Seul l’amour est digne de foi. Seul un Dieu qui se dit amour, et qui se révèle comme tel, c’est-à-dire qui dit son amour et qui ne fait pas que le dire, qui va aimer jusqu’au bout est digne de notre foi… de cette foi qui est confiance amoureuse, connaissance, et en même temps l’entrée dans un mystère. Le mystère de Dieu, c’est comme un continent qu’on ne cesse jamais de découvrir, qui se dévoile petit à petit à nos yeux, et dans lequel nous sommes invités à marcher à notre rythme. Aujourd’hui, notre marche bute contre ces phrases d’Évangile qui sont dures… et on ne peut pas faire comme si nous n’avions pas entendu.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille… et je ne peux pas m’empêcher de rajouter : la vie, ce n’est pas un défilé en costume vénitien (ps : je n’ai rien contre eux !). Pourtant il y a des gens qui pensent qu’une vie réussie c’est comme un défilé de la fête vénitienne, ça brille, ça marche tranquille, sans trouble, rien ne bouge, une vie engoncée… mais la vie ce n’est pas ça, la vie ça nous déborde !! On ne peut pas vivre éternellement avec un masque sur le visage, qui nous cache et fait des œillères, qui nous cache les falaises que nous frôlons…
Dieu nous invite à la radicalité. On ne peut pas rester au milieu du gué, il nous faut passer d’un côté ou de l’autre, mais choisir. Comme lorsque l’on enjambe le canal de Caronte, il faut choisir, on ne peut pas rester au milieu du gué, sinon, le pont s’ouvre et nous tombons.
En nous disant ces paroles qui nous emmènent au bout de nous mêmes, Jésus donne comme une décharge électrique à notre foi, il ne peut, il ne veut pas que nous nous limitions notre foi à une vague appartenance sociale (« Je suis chrétien parce que je suis français. » ; ou bien « J’ai reçu le baptême bébé, ça suffit pour les 80 années qui viennent. »)… Jésus nous invite en eau profonde, pas pour nous faire passer un test, mais parce que nécessairement, dans notre vie, nous allons passer par des eaux profondes… et à ce moment là, la foi nous sauvera, à ce moment là, en eaux profondes, là où l’on n’a pas pied, là où l’on perd pied, là, la foi nous sauve, là, nous sommes obligés de reconnaître que nous ne pouvons rien prendre dans nos mains, sinon la main de Jésus. On peut s’acheter tout ce qui nous est présenté comme absolument nécessaire à notre bonheur et à notre épanouissement, si nous coulons, nous serons bien obligés de tout lâcher, ou alors de couler avec… « Que sert à l’homme de gagner le monde s’il en vient à perdre son âme ? »
Ca c’est pour les biens… mais reste la phrase concernant la famille… Tout quitter, même sa famille ? Ce n’est pas ce que Jésus demande, ce que Jésus demande, c’est de le préférer à toute personne. Pas facile à vivre… mais c’est comme tout verset biblique, il ne peut pas être lu sans l’entourer de l’ensemble de la Bible. Préférer Dieu à sa famille, ce n’est pas renier sa famille, c’est dire que Dieu est premier. Premier dans ma vie, car c’est par lui que je reçois la vie de mes parents ; premier dans ma mort, car le Christ est le premier à être passé de la mort à la vie pour que nous le suivions dans sa résurrection.
Reconnaître que Dieu est premier, c’est lui donner notre foi, et en lui donnant notre foi, il ouvre notre vie à une profondeur insoupçonnée, car ceux qui sont un père, une mère, un fils, une fille deviennent alors aussi des frères et des sœurs en Dieu, bien-aimés de Dieu, comme moi je le suis. Et au milieu des turpitudes que nous rencontrons tous dans nos familles, le Seigneur nous dit : « Tu n’as pas choisi tes parents, tu n’as pas choisi tes enfants, mais moi je les aime et je t’invite à vivre dans l’amour avec eux, car c’est ainsi que tu seras mon disciple. ». En reconnaissant que Dieu est premier, nous nous mettons à sa suite pour vivre dans le monde… et la foi, il faut toujours se le rappeler, n’est jamais séparée de l’espérance.
Dire que seul Dieu peut combler notre vie, nos joies, nos peines, nos rires, nos larmes, c’est dire que tout ce qui se passe dans le monde, dans notre vie, tout cela n’est pas encore abouti et que cela ne le sera que lorsque Jésus reviendra.
Nous avons l’espérance que le monde n’est pas parfait tel qu’il est actuellement, mais qu’un jour Dieu lui donnera un autre visage, où Il sera tout en tous. Nous avons l’espérance que ceux qui donnent leur foi à Dieu, même de manière partielle, même avec des hauts des bas, ceux-là sont déjà sauvés par Dieu.
Bien sûr, Jésus nous invite au dépouillement, mais pour que nous vivions ce dépouillement librement, sans attendre que la vie, le monde, et certaines personnes nous retirent ce qui nous est cher, pour faire de notre vie un espace où la vie éternelle de Dieu peut nous rejoindre.
Dimanche prochain, et aussi le dimanche 22, nous aurons la joie de célébrer des baptêmes pendant la messe. Les enfants qui vont recevoir le baptême vont rentrer dans le mouvement, dans le peuple en marche vers Dieu, ce Dieu qui nous invite à la vie avec un grand V, cette vie qui déborde.
Le chemin de la vie chrétienne est un chemin étroit mais ceux qui le suivent sont sauvés, radicalement, éternellement. Sur ce chemin, dans notre marche, déposons tous nos soucis aux pieds de Dieu, au pied de l’autel.
Demandons lui la force de l’Esprit Saint pour vivre la radicalité de la vie de disciple, demandons lui la force de son Eucharistie, ce sacrifice qui seul sauve le monde, demandons lui la force de la foi qui nous fait entrer dès maintenant dans le passage vers la vie éternelle.
La porte est étroite, mais elle est ouverte. Tous nous pouvons vivre aujourd’hui en disciple, en mettant en Dieu notre foi et notre espérance.
Thomas Poussier