MEDITATION : POUR MOI VIVRE, C'EST SUIVRE LE CHRIST !
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Le moins que l’on puisse dire, c’est que les textes de ce dimanche ne nous invitent pas aux vacances ou au repos. Pour Élisée, il est question de tout quitter pour suivre le prophète Elie ; pour Paul, il est question de quitter les chaînes de l’esclavage, de quitter les tendances égoïstes de la chair et de suivre l’esprit de Dieu; pour le Christ, il est question de tout quitter. Et on a même l’impression que le Christ y va violemment, avec cette phrase un peu choquante : « laisse les morts enterrer leurs morts. Toi vas annoncer le règne de Dieu. »
Tout quitter ! Tout doit disparaître ! Certes, c’est la saison des soldes, tout doit disparaître, mais quand même, on a notre petit confort. Et le Christ ne nous promet pas un endroit bien confortable, il nous rappelle que lui-même n’a pas d’endroit où reposer la tête. Alors certes, le Seigneur nous conduit sur des prés d’herbe fraîche où il nous fait reposer, mais avant d’arriver à ces prés d’herbe fraîche, la route est longue, longue, longue... Et le Christ, comme tous les apôtres, semble nous dire au bord de la route : Marche sans jamais t’arrêter ! On sait par expérience que suivre le Christ, vivre en chrétien, ce n’est pas facile, mais on a l’impression que le texte de ce dimanche rajoute une couche de pessimisme : vous vous êtes engagés, vous allez en baver !
Je ne vais pas moi-même en rajouter, mais j’aimerais avec vous aller plus avant dans ses textes, dépasser la croûte qui semble bien trop solide et aride, avec la certitude que le Christ agit toujours pour notre bien, et en nous rappelant cette parole pleine de réconfort : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes. Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger. »
Bien sûr, les textes nous avons entendu, nous invitent à avancer dans notre vie. Avancer dans notre vie, et non pas que notre vie avance à notre place. Faire en sorte que nous choisissons la vie que nous voulons mener, et non pas laisser les événements décider à notre place. C’est ce que veut dire Saint-Paul dans le passage que nous avons entendu de sa lettre aux Galates : « frères, si le Christ nous a libéré, c’est pour que nous soyons vraiment libres.» On peut se dire que c’est d’une rare logique ! Mais si Paul insiste sur cette liberté, c’est parce que la vraie liberté, la liberté que le Christ nous donne par le baptême, c’est une liberté de qualité, une liberté qui engage, une liberté qui invite à aller plus loin, une liberté qui nous élève (pour peu que nous ne soyons pas trop lestés, pour peu que nous ne soyons pas encombrés des chaînes qui entravent nos mouvements). Ces chaînes que qui entravent notre liberté, nous les connaissons : ce sont ses penchants mauvais ou bêtes que nous gardons en nous, ce sont les choses que nous possédons, et auquel nous sommes tellement attachés que ce sont finalement elles qui nous possèdent.
Très souvent depuis le début de son pontificat, le pape François a pointé du doigt les dangers des richesses : ce n’est pas pour faire du populisme – il n’a pas d’électorat à convaincre – mais c’est pour nous rappeler que nous ne pouvons pas servir Dieu et l’argent, c’est pour nous rappeler que nous sommes, comme le dit saint Paul, appelés à la liberté !
Au fond, tous nous désirons le bonheur, quel que soit notre âge, notre condition sociale, la grosseur de notre compte en banque, et ce bonheur n’est pas dans l’accumulation des choses, mais au contraire dans cette liberté de penser, d’action, de construction de notre vie, cette liberté qui ne peut être vécue qu’en laissant de côté ce qui nous éloigne de Dieu et des autres. Et c’est là la pointe, le but des paroles que prononcent Jésus : il ne s’agit pas de pratiquer la terre brûlée, comme si plus rien de ce qui était de nos vies n’avait d’importance, mais de mieux vivre de nos relations. La vie à la suite du Christ implique des renonciations, des entraves à jeter en arrière, mais il ne s’agit pas pour autant d’une fuite en avant sans destination précise. Suivre le Christ, c’est savoir qu’il est à la fois le chemin et la destination. Comme le dit saint Augustin : « notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose en Dieu.» Suivre le Christ, c’est mieux vivre nos relations : mieux vivre notre relation à Dieu, car en suivant le Christ, avec des hauts et des bas (telle va notre foi), nous nous approchons petit à petit de Dieu ; mieux vivre notre relation aux autres, car si le Christ est notre Dieu, il est aussi notre frère ; en suivant le Christ nous grandissons en humanité et en fraternité.
Il y a à peu près un an que j’ai été ordonné prêtre. Cela implique bien sûr des renoncements, mais avant tout cela donne une joie. Comme le disait Benoît XVI : « Dieu ne prend rien, il donne tout ! ».
Bien sûr la suite du Christ implique des renoncements, mais notre vie reste ancrée, par l’espérance, sur la mémoire de ce que Dieu a fait dans votre vie, au fil des jours. Faire mémoire, ce n’est pas regarder en arrière en accumulant les regrets, c’est se rappeler de l’œuvre de Dieu dans votre vie, pour mieux y trouver l’appui pour avancer, pour mettre un pied devant l’autre et recommencer.
Dans le sacrement de l’eucharistie, nous faisons mémoire du don du Corps et du Sang du Christ, bien évidemment, mais aussi mémoire de ce Dieu qui, dès le début, dès les origines, a donné à manger aux hommes les fruits de l’arbre de la vie, au jardin d’Éden, la manne dans le désert au peuple hébreu, le pain de sa Parole au fur et à mesure des générations de croyants, et les petits pains que l’ange donnait à Elie avant qu’il ne reprenne sa route. L’ange disait justement à Elie : « Mange, autrement la route sera trop longue pour toi ».
Certes, la route est longue, certes, il n’est pas facile de quitter nos habitudes pour marcher à la suite du Christ, mais Dieu ne nous demande pas l’impossible, il fait l’impossible pour que tous nous puissions le suivre. Il nous donne le pain de la Vie pour que nous ayons la Vie en nous. Avec le pain et le vin, présentons nos vies à Dieu, afin qu’il les bénisse, les sanctifie, et nous en fasse le don dans son Eucharistie.
Thomas Poussier