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MEDITATION SUR LA PECHE MIRACULEUSE

  • PAROISSE DE MARTIGUES
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 "Pêche miraculeuse" sur un mur de la basilique Saint-Pie X — Lourdes

 

 

« Montrez-moi ce que vous avez dans vos filets… » Cette semaine, Jésus invite ses disciples à ouvrir leurs filets, et à lui montrer combien de poissons ils ont pris. Ça tombe bien, la mode est à la publication de patrimoine ! On peut remarquer, et c’est pas la moindre des bizarreries de ce texte d’Évangile, que Jésus demande d’ouvrir les filets pour lui montrer ce qu’ils ont, après les avoir envoyé prendre ce poisson, tout en ayant déjà cuisiné du pain et du poisson rôti sur le feu…

 

Je pense qu’il faut resituer ce récit dans toute sa bizarrerie. En effet, nous sommes après Pâques, le Christ est ressuscité, la création transfigurée, le monde sera jamais plus le même, mais pour autant les disciples ont repris leur petit train de vie, ils ont repris la pêche, et pas à la pêche d’hommes,  mais la pêche de tous les petits muges vivant dans le lac de Tibériade. Nous avons donc là les apôtres du Seigneur qui sont là à faire des parties de pêche au lieu d’annoncer l’Évangile, en plus sans rien prendre. Quand quelqu’un vient les voir pour leur donnant des conseils de pêche et que ça marche, ça fait tilt dans la tête de Saint-Pierre. Il se rhabille et découvre son Seigneur en train de cuisiner du pain et du poisson, ce poisson dont on ne sait pas d’où il vient. Et alors même que Pierre a dit : « c’est le Seigneur ! », il y a cette phrase magnifique : « aucun des disciples n’osait lui demander : "qui es-tu ?" Ils savaient que c’était le Seigneur. »

 

Nous voilà donc ce matin en train de contempler un récit d’Évangile très particulier. Il y a certes un miracle de la pêche surabondante, il y a aussi, comme dans les récits de la multiplication des pains, cette attitude de Jésus qui s’approche, prend le pain, et leur donne, ainsi que le poisson.  Mais voilà, sous des apparences de petit barbecue au bord du lac avec Jésus le ressuscité, Dieu veut nous dire bien plus que cela. Il ne s’agit pas que d’une petite partie de campagne. Ce texte nous redit, avec la force d’un récit en apparence très poétique, que le grand mystère de la foi, c’est que Dieu s’approche qu’il donne à manger, et qu’avec cette nourriture divine nous somment remis en communion avec notre Seigneur et avec nos frères. Ce qui était dès le commencement, en Éden, ce lieu et ce moment où Dieu avait mis l’homme en sa présence, et où il lui avait donné à manger, ce commencement est repris par Jésus. Dans la vie, dans le quotidien des disciples, qui, dans peu de temps, vont se mobiliser pour leur mission, Jésus apporte toute la force de sa vie ressuscitée. Et c’est bien pour cela que ce récit comporte tant de ce que j’appelais des bizarreries. Car à la fois tout est comme avant, mais radicalement tout a changé.  Le soleil ne se lève plus de la même manière, la nuit n’est jamais plus une nuit noire, comme le dit le psaume « mêmes les ténèbres devant Dieu deviennent lumières ».

 

Depuis toute éternité, le Seigneur veut vivre avec les hommes.  Et la vie chrétienne, ce n’est pas d’abord découvrir ce que nous devons faire comme sommes chrétiens, c’est se laisser inviter à la table du Seigneur. La vie chrétienne, c’est la vie avec le Christ. Cela peut sembler bateau de dire cela, mais cela change tout. La vie chrétienne, c’est la vie avec le Christ, c’est accueillir ce Dieu qui veut être à notre table, où nous déposons le peu de nos vies, et où nous lui demandons qu’il vienne y mettre tout son esprit, afin que nos vies ne soient plus à nous mais qu’elles soient à lui et en lui.

 

Alors bien sûr, cela ne nous dérange et nous perturbe de devoir sortir ce qui vient au fond de nous… comme Simon Pierre qui était dérangé par les interpellations de Jésus. Car à la question « M’aimes-tu ? »,  il lui faut répondre : Seigneur j’ai une faiblesse au fond du cœur, et cette faiblesse ça a été de te trahir par trois fois.

 

Déposer au pied du Seigneur ce qu’il y a au fond de notre cœur, cela nous rappelle nos confessions, qui sont si difficiles à vivre pour nous parce qu’il y a encore cette honte trop humaine, de se dire que ce qu’il y a au fond du cœur est appelé à y rester, surtout lorsque c’est noir et que ça pue. Jésus ressuscité vient dire tout autre chose à Pierre, et à nous aussi il nous dit : « tu as péché ? Tu as peu de foi ? Peu d’amour au fond du cœur ?... Peu importe, moi je tiens à toi, moi j’ai une mission pour toi, moi je viens chercher ce qu’il y a au fond de ton cœur… et il y en a du lumineux, il y en a dû lumineux dans ta vie, toutes ces perles d’amour que tu as enfilé au fil des jours, par de petites actions ou de grandes choses, cela peut sembler peu de choses, mais ça et tout le reste je les aime. »

 

Dans la confession, mais plus largement dans toute notre vie, ce que le Christ nous demande d’exprimer, cela n’a rien à voir avec ce déballage médiatique, obscène et populiste du patrimoine des élus. Surtout, vous l’aurez remarqué, il n’y a pas de place pour le pardon dans le jugement des hommes politiques entre eux. Celui qui était le grand ami d’hier est aujourd’hui un homme dont on ose à peine prononcer le nom, ou alors on ressort toutes les vieilles histoires que tel ou tel a pu avoir parfois dans sa vie. Entendons-nous bien, je ne cautionne pas l’évasion fiscale ou la fraude de quelques hommes politiques, je relève seulement que tout cela manque de miséricorde, Cet amour lié au pardon auquel nous sommes nous chrétiens invité à donner la première place. Regardons Jésus face à Pierre, il l’interpelle certes sur ce qui est doux douloureux dans sa vie, mais il ne le laisse pas là, il le recouvre de sa miséricorde et lui dit « suis moi ».

 

Suivre le Christ, nous le savons, ce n’est pas aisé, cela implique de passer sur l’autre rive, cela implique l’humilité d’accepter l’invitation à un repas préparée par le Seigneur, cela implique de recevoir la lumière de Pâques comme une lumière de pardon et de résurrection, cela implique de dire à Jésus : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéri ».

 

En cette eucharistie, ces noces de l’Agneau, en ce repas où le Christ ressuscité livre sa vie et donne sa vie pour nous, ouvrons notre esprit, notre cœur, et tout notre corps à ce Dieu qui veut vivre avec nous et en nous. Accueillons sa lumière, cette flamme de Pâques aux côtés de laquelle nos petites misères sont transfigurées. Le Seigneur nous dit : « venez déjeuner. » Répondons avec confiance à cette invitation en redisant notre faible foi, notre Amen, à ce Dieu qui est, qui était et qui vient.

 

Thomas Poussier

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