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MGR DI FALCO : "MOUILLONS-NOUS POUR LES AUTRES COMME IL S'EST MOUILLE POUR NOUS !"

  • PAROISSE DE MARTIGUES

 

Dans sa chronique du dimanche 30 novembre 2014, Mgr Jean-Michel di Falco Léandri présente l’action du père Daniel Brottier, directeur des Apprentis d'Auteuil, son rayonnement aujourd’hui, et celui qui lui servait d’exemple.

 

Fondation catholique reconnue d’utilité publique, acteur engagé de la prévention et de la protection de l’enfance, Apprentis d’Auteuil développe en France et à l’international des programmes d’accueil, d’éducation, de formation et d’insertion pour redonner aux jeunes et aux familles fragilisés ce qui leur manque le plus : la confiance.

Bonjour,

Il y a quelques jours, je me trouvais dans l’Isère à La Côte-Saint-André dans la maison d’enfants à caractère social (MECS) Jean-Marie Vianney qui accueille tout au long de l’année des jeunes  âgés de 12 à 18 ans confiés par l’Aide Sociale à l’Enfance ou le Juge des Enfants dans le cadre de mesures de protection de l’enfance et d’assistance éducative.

Cet établissement fait partie des Apprentis d’Auteuil, fondation qui accueille 27000 jeunes en France métropolitaine et dans les DOM. Des classes à effectifs réduits, le travail en ateliers, des stages courts en entreprises, sont quelques spécificités de leur offre scolaire, avec un accompagnement et une présence de tous les jours, une confiance dans les adultes à faire renaître chez ces jeunes déçus par eux.

Certains de ces jeunes étaient venus au sanctuaire de Notre-Dame du Laus, et j’avais pu les rencontrer, et ils m’ont invité pour fêter avec eux le 30e anniversaire de la béatification du père Daniel Brottier, un éducateur hors pair, né en 1876 et mort à l’âge de 60 ans. J’étais d’ailleurs présent à Rome lors de sa béatification par Jean-Paul II en 1984. Certains de ses principes éducatifs n’ont rien perdu de leur actualité. Ils sont valables pour petits et grands, pour ados comme pour les adultes, pour des subordonnés comme pour des gouvernants !

Un jour par exemple, alors qu’il se trouve en première ligne dans les tranchées à Verdun, le père Brottier apprend par des officiers qu’ordre a été donné de lancer l’assaut à l’aube. Or les tranchées adverses sont intactes. L’artillerie a manqué ses cibles. Tout est intact chez l’adversaire : les défenses, les barbelés, les nids de mitrailleuse. Tout le monde sait que si l’assaut est donné, on leur tirera dessus comme à la fête foraine. Il n’y aura plus de régiment à la fin de la journée. Ni une ni deux, le père Brottier se rend au quartier général. « Monsieur l’aumônier, occupez-vous de vos affaires, vous sortez de votre rôle », lui réplique-t-on.« Notre rôle, dit-il, est d’avoir des soldats bien vivants ». Et d’ajouter : « Mais si vous tenez à maintenir cette attaque qui va en tuer des centaines, j’ai un plan… ». Un plan ? Quel plan ? Intrigués, on l’écoute. « Vous et moi nous montons à l’assaut en tête, et si tout le régiment est décimé, eh bien nous mourrons les premiers, ce ne sera que justice. » Vous imaginez l’air interloqué des officiers supérieurs ! Et que pensez-vous qu’il arriva ? L’ordre d’attaquer fut reporté.

Voilà donc posé en acte un principe éducatif valable en tout temps, en tout lieu, pour tout le monde. Se mouiller, s’engager, ne pas se croire au-dessus de la mêlée, ne pas faire subir aux autres ce que soi-même on ne voudrait pas porter. En fait, le père Brottier a agi comme j’ai vu agir les éducateurs que j’ai rencontrés à La Côte-Saint-André. Des éducateurs engagés, disponibles, donnés !

Ne croyez pas que tout a été facile pour le père Brottier. En raison de tout ce qu’il faisait, il a été calomnié. Mais comme lui a dit un jour un de ses confrères qui deviendra évêque de Dakar : « Vous avez été calomnié par des gens auxquels le travail a toujours répugné et qui sont jaloux du succès des autres… »

Alors voilà. Un homme qui s’engage, qui parle au nom des sans-voix, un homme qui oblige ses supérieurs arrogants à se mouiller, un homme calomnié en raison de son succès. Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ?

Moi ça me rappelle un certain Jésus. Pour les chrétiens, Jésus est la preuve que Dieu s’est mouillé pour eux. Il est venu parmi eux. Il était du côté des petits. Il a accusé les gouvernants qui lient des fardeaux pesants et difficiles à porter, qui les mettent sur les épaules des autres, mais qui eux ne les remuent pas du doigt (cf. Mt 23, 4). Il a sué sang et eau. Il a été calomnié. Ce Dieu, les chrétiens vont se préparer durant ce temps de l’Avent à l’accueillir dans leurs frères et sœurs les plus démunis. Alors mouillons-nous pour les autres comme il s’est mouillé pour nous.

À bientôt.

Mgr Jean-Michel di Falco Léandri

 Évêque de Gap et d’Embrun

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