PENTECOTE : MEDITATION SUR LA BEAUTE DU MONDE
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Il y a quelques semaines, des scientifiques uruguayens ont réalisé une expérience. Ces scientifiques étaient des généticiens, et leurs travaux portaient sur la manière dont se transmettent les gènes. Leur expérience consistait à prendre un gène d’une méduse, qui la rendait phosphorescente, brillante dans la nuit, et de l’implanter dans les premières cellules d’un embryon de mouton. Les agneaux sont nés, ils ont grandi, et sont devenus des magnifiques moutons phosphorescents.
Ces moutons étaient a priori des moutons comme les autres, on leur a rajouté quelque chose, quelque chose qui ne les a pas changés à première vue, mais qui leur donne de briller au milieu du troupeau.
… Vous me voyez certainement venir… Ces moutons phosphorescents, c’est nous ! Jésus aime nous comparer à des brebis, et le jour de notre baptême nous avons reçu la lumière de Pâques… (d’ailleurs, dans les premiers siècles de l’Eglise, on appelait les chrétiens des illuminés !) Nous avons reçu l’Esprit Saint au jour de notre baptême, qui est comme notre Pentecôte personnelle et nous sommes invités à briller, à briller dans notre monde de la lumière de Dieu !
Bien sûr lorsque Dieu nous donne son Esprit Saint le jour de notre baptême, ou le jour de Pentecôte, il ne fait pas une expérience scientifique, il n’introduit pas quelque chose d’étranger dans notre vie, quelque chose qui irait contre notre nature humaine. Dieu nous donne son Esprit Saint pour nous remplir de sa présence, afin que par cette présence nous goûtions combien le Seigneur est bon. Dieu ne se sert pas de nous comme des rats de laboratoire, il nous communique sa vie divine pour que nous puissions la transmettre ensuite autour de nous.
Comme le dit Gaston Bachelard, « un disciple n’est pas un vase qu’on remplit, mais un feu qu’on allume ». Et c’est bien ce que nous fêtons aujourd’hui en cette fête de Pentecôte : le feu est allumé aujourd’hui !
1 : Dieu allume le feu en nous ; 2 : nous vivons de ce feu allumé en nous. Rappelons-nous, que la fête de Pentecôte clôt le temps pascal, et que ce temps pascal a commencé autour du feu de la vigile. Rassemblés autour du feu de Dieu, nous avons reçu chacun une lumière, et cette lumière illuminait notre nuit.
Aujourd’hui Dieu nous rappelle que cette lumière est d’abord dans notre cœur, et qu’elle ne s’éteindra jamais. Pour autant, si vous me permettez cette comparaison, nous sommes un peu comme la flamme du soldat inconnu, nous avons besoin de vivifier ce don déjà reçu, et c’est pour cela que régulièrement nous recevons les sacrements de Dieu, qui sont des dons de l’esprit : la confession est le don de l’esprit d’amour et de miséricorde de Dieu, l’eucharistie est ce pain rendu vivant par la puissance de l’Esprit Saint que j’invoquerai en votre nom tout à l’heure sur le pain et le vin pour qu’ils deviennent Corps et Sang de la vie éternelle. Les dons de l’Esprit ce sont aussi toutes ces qualités que nous avons en nous, et il n’y a pas un seul d’entre nous ici qui n’ait pas de qualité, de don, de fruits à porter, de graines à faire germer.
Tous nous avons reçu le don de l’Esprit Saint qui se déploie dans nos vies par les qualités, les capacités, les aptitudes pour que le Corps du Christ qui est l’Eglise en bénéficie. Cette semaine à des obsèques, j’ai entendu ce passage d’une sonate pour clarinette de Mozart. On peut raisonnablement dire que Mozart avait un don pour la musique. Mais à quoi aurait servi ce don si Mozart avait passé son temps devant la télévision plutôt que devant un clavecin ? Dis autrement, avec les paroles de Jésus : « on allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ».
J’ai eu la chance il y a quelques semaine de pouvoir rencontrer Marko Rupnik, un artiste jésuite qui réalise des mosaïques dans le monde entier (à Lourdes sur la basilique du Rosaire, à Fatima, à Rome) et qui a installé une de ses mosaïques sur l’église de la sainte Famille à Istres. Je l’ai vu dessiner son projet et son doigt glissait pour mettre sur le papier l’œuvre d’art qu’il avait dans la tête. Ainsi il mettait en œuvre le don que Dieu lui avait donné. Et cela ne concerne pas que les artistes, mais nous tous ici rassemblés.
Aujourd’hui nous fêtons Pentecôte… et ce ne doit pas seulement être pour nous le moment de se rappeler du don de l’Esprit Saint reçu aujourd’hui notre baptême (si vous le faites c’est bien quand même !). La Pentecôte, c’est prier Dieu pour que son Esprit créateur vienne dans nos vies, pour repartir avec un élan nouveau pour allumer le feu dans nos vies. La Pentecôte, c’est aussi prier Dieu pour que nous portions du fruit avec tous les dons que nous avons et qui sont comme autant à de branches d’un arbre fruitier qu’il nous revient de faire à nous fructifier sous le soleil de Dieu.
La Pentecôte, c’est enfin allumer le feu dans le monde. C’est ne pas se résigner à ce que le monde tourne plus ou moins bien, à ce que le monde aille à vau-l’eau, ce n’est pas se dire que le chrétien est une sorte de citadelle assiégée par les errements du monde sur lequel il faudrait jeter des pierres. La fête de Pentecôte, c’est croire que le monde porte en lui la vie de Dieu, c’est aider ce monde à découvrir la vie de Dieu en lui, c’est allumer le feu de l’Esprit Saint dans le monde et permettre ainsi à chacun de mettre en œuvre les capacités qu’il porte.
La fin de Pentecôte nous envoie dans le monde annoncer l’Évangile à toutes les nations. Cette annonce-là ne peut pas se faire avec seulement l’Evangile à la main. L’annonce de l’Évangile passe aussi par la transformation du monde, un peu comme un jardin à cultiver, en prenant soin des fleurs qui poussent, en demandant à Dieu dans la prière de nous préserver des mauvaises herbes qui étouffent la vie, en plantant, en semant, en étant des tuteurs pour les plantes fragiles.
Notre monde est un monde aimé de Dieu. Comme le dit le chant : Dieu nous appelle à aimer le monde où il nous envoie. En aimant le monde nous portons un regard d’espérance sur lui. Nous sommes les ferments dans la pâte du monde. Notre monde peut changer, à la mesure dont nous l’illuminerons par notre présence. Rien n’est impossible à Dieu.
Envoie-nous, Seigneur, porter ta Bonne Nouvelle ; envoie des pasteurs pour qu’ils guident les hommes jusqu’à ton Fils ; envoie des pères et des mères qui feront germer et croître de beaux enfants de Dieu ; envoie ton Esprit Saint sur le monde afin que le monde croit à ton Amour infini.
Viens Esprit créateur nous visiter, viens éclairer l’âme de tes fils, emplis nos cœur de grâce et de lumière, toi qui créas toute chose avec amour.
Thomas Poussier