MYSTAGOGIE SUR LA COMMUNION
-
Nous sommes dans ce laps de temps entre la fête de l’Ascension et celle de la Pentecôte. Pendant 40 jours le Seigneur Jésus ressuscité s’est montré à ses apôtres. Il leur a donné la joie de sa présence pendant ces jours, jusqu’à ce jour de l’Ascension où il les a quitté. Pour les disciples cette joie de la présence est terminée. Ils connaissent cette tristesse de la perte d’un bonheur, et nous comprenons qu’ils regardaient au ciel espérant voir réapparaître cette présence perdue. Ils restent à Jérusalem, comme Jésus le leur a demandé, pour attendre l’Esprit-Saint.
Dans ta vie, tu connais des moments de bonheur. Ces moments te remplissent, te donnent de la joie, donnent du goût à ta vie. Mais tu fais aussi l’expérience que ces moments ne sont pas éternels, qu’ils ne durent pas. Parmi ces moments de bonheur la présence de ceux qui t’aiment et que tu aimes, comme aujourd’hui pour toi qui as communié pour la première fois, sont importants. Tu te réjouis de leur présence. Viendra ensuite le moment de se quitter, pour se revoir une autre fois, et tu attendras leur présence.
Pour toi qui es adulte, tu sais le goût de ces moments de bonheur, tu sais aussi qu’ils ne durent pas. Tu fais l’expérience que, dans ta vie, rien, ni personne, ne te comble d’une manière totale et définitive. Tu connais le goût de la plénitude et le goût du manque.
La plénitude est un cadeau que tu reçois des autres et en dernier ressort de Dieu lui-même. Cette plénitude vécue ici-bas te parle, t’indique combien grand sera le bonheur lorsque tu seras au ciel. Si tu peux connaître de tels bonheurs ici, qu’en sera-t-il là-haut ! Tu comprends que certains saints avaient hâte de rejoindre le Christ au ciel. Dans la première lecture tu as entendu Etienne qui voyait le Christ Jésus au moment de mourir, et cela le comblait totalement : il avait le visage d’un ange.
Ici-bas, lorsque tu ne bénéficies pas de la présence de l’être aimé, tu as beaucoup de moyens pour être en contact avec lui : le téléphone, les courriels, le courrier, facebook, skype et autres moyens. Ils ne te donnent pas cette présence physique, mais te donnent déjà la joie d’être en contact. Le sacrement de l’Eucharistie que tu as reçu se place exactement à cet endroit.
Tu ne vois pas Jésus face à face, comme cela sera le cas lorsque tu seras là-haut, après ton passage par la mort, mais tu goûtes déjà sa présence réelle dans la communion à son Corps. Cela est un bonheur, un cadeau reçu de Dieu. Tu as présenté tes mains comme un trône, afin de recevoir ce cadeau, accueillir cette présence qui t’est donnée. Tu n’as pas présenté seulement une main, comme on le fait pour demander, mendier, réclamer un dû, ou comme on le fait pour saisir, prendre ou voler. Tu as présenté tes deux mains pour accueillir un don.
Comme chacun de nous, tu chercheras au cours de ta vie à combler tes manques. Il existe bien des façons de combler pour échapper au vide, qui deviennent des recherches effrénées sans succès définitif. Le malheur de notre société occidentale est de chercher à satisfaire tous ses manques, à saisir le bonheur. Or le bonheur est à accueillir comme un don.
Tu comprends que le geste de présenter les mains pour recevoir ce don de la présence du Christ est un geste profondément humain, qui te rends plus humain. Ce geste t’ouvre aux autres, à leur accueil et à te donner à eux.
Ecoute ce qu’a dit Jésus dans l’Evangile : « Père juste, le monde ne m‘a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ils ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et le ferai connaître encore : pour qu’ils aient en eux l’amour dont tu m’as aimé et que moi aussi je sois en eux. » Tu as reçu de Jésus l’amour dont il est aimé par son Père. C’est beau, c’est grand. Fais en bon usage comme des autres cadeaux que tu recevras aujourd’hui.
Tu connais aussi peut-être ce manque radical qu’est la perte d’un être aimé. La plupart d’entre nous adultes le connaissons. Pour toi : un grand-père, une grand-mère. Pour toi Aziel, ton frère, et pour tes parents, un fils. La communion que tu viens de recevoir est une union, non seulement avec Jésus, avec ta famille, et tous les chrétiens du monde, mais aussi avec ceux qui t’ont précédés dans la maison du Père. En attendant de les revoir face à face, leur présence t’est donnée dans cette communion.
Cette expérience du manque, de l’insatisfaction nous donne paradoxalement une force et un dynamisme, une espérance. Elle nous met en route, nous pousse à avancer, à chercher. Notre vie est habitée par cette recherche. Nous appelons comme dans l’Apocalypse que tu as entendue : « Viens ! Seigneur Jésus ! ». L’Esprit qui a réalisé la présence de Jésus dans l’Eucharistie, réalise sa présence en toi.
En ces jours qui te séparent de la Pentecôte, appelle l’Esprit Saint sur toi, ta famille, l’Eglise, le monde.
Benoît Delabre